vers un écrire-film #8 | The End

Si filmeur, réaliser un documentaire avec Elle. Garder une trace, fabriquer un souvenir, lutter contre l’usure de la mémoire. L’immortaliser ? Déjà beaucoup de photos d’Elle accumulées. Elle, déjà filmée à certains moments de l’enfance ou de la vie de famille. Mais besoin du temps vivant, de ses moments de rien à Elle, Elle dans sa vie, dans des blocs de réel. Alors l’idée de ce film. Penser d’abord suivre une journée de son quotidien puis, choisir de tourner plutôt des plans dans les lieux qu’elle fréquente ou qui pour Elle ont compté. Utiliser le même petit numérique que pour les photos. L’équiper avec un de ces micros externes plus précis et aussi un peu ridicules avec leur fourrure. Rester discret dans l’espace public.

Pas filmeur. Difficile d’agir avec les autres autour. Les prises risquent d’être compliquées : cadre, bruit, lumière, éloignement et peu de temps pour filmer. Lui demander de préparer la liste de ces endroits où elle accepterait de revenir pour tourner quelques plans. Limiter le nombre de lieux, ne retenir que les plus proches, les plus forts. Ensuite le monter ce film. De l’époque lointaine du VHS, ce souvenir que pour une minute regardée, une heure de montage. Toujours valable avec le numérique ? Ne pas prévoir trop long. Elle sera sa première regardeuse et décidera si montrable et à qui. Les proches ? Ses ami.e.s ? En partage sur ses réseaux ? Elle, pas dupe du pourquoi on veut ce film avec Elle. On n’en parlera pas.

Film composé de cinq plans-séquences de quatre minutes chacun. Son choix de supprimer la couleur. Pour chaque scène, caméra fixe sur pied, à hauteur d’homme, une seule fois le filmeur en surplomb. Elle entre dans le champ par la gauche, traverse le paysage et sort par la droite. Impression d’une coulée d’Elle entre ses lieux. Dans une scène de rue, on la cherche un peu au milieu de la foule. Pas de voix-off, juste cette musique océanique, son choix encore. Pas de générique non plus. Vue en boucle possible. Elle qui marche alors sans cesse dans sa vie. Diffusé sur ses réseaux sociaux. Dans le cloud, sur un disque dur externe, une sauvegarde avec les rushs et toutes les versions. Quelques copies sur clés USB ou DVD pour certains du cercle familial. Savoir qu’un jour, plus tard, trop dur de le regarder ce film en noir et blanc avec Elle.

Ce film, ni vernaculaire, ni cinématographique restera dans la nuit. Le temps nous a manqué.

CODICILLE : le souhait de boucler ce cycle par une fiction de film. Sans doute un écho lointain aux travaux d’Arnaud de la Cotte et Michel Brosseau découverts grâce au Tiers-Livre et qui accompagnent depuis.

A propos de Jérôme Cé

Surtout lecteur. Cherche sa voix en écriture avec les cycles du Tiers-Livre depuis pas mal de temps. Un peu trop peut-être. (ancien wordpress et premières participations aux ATL) https://boutstierslivre.wordpress.com/

3 commentaires à propos de “vers un écrire-film #8 | The End”

  1. Quelque chose de très vivant dans cette urgence, ce rythme. Mon imagination se partage entre la voix d’un réalisateur enthousiaste et une série d’images montées à toute vitesse. Merci pour cette belle lecture.

  2. Un merci tardif pour votre passage. Cet aspect vif/vitesse pas perçu à l’écriture, toujours laborieuse.
    Et merci François pour ce nouveau cycle qui s’achève.