1 – Si j’étais un peintre je tenterais de fixer le jeu des ombres et des lumières sur un mur. Il me faudrait un support bien entendu : une toile blanche à masquer, ou du contrecollé, peut-être un panneau de bois pour que la matière à dissimuler reste présente, des pigments, des brosses, des pinceaux ou mes doigts, il y faudrait surtout mes yeux et mon imagination pour créer ce mur, sa vie, les trous de lumière à y projeter et les obstacles venant y faire palpiter des ombres.
2 – Je ne suis pas peintre, et mes mains ne sauraient, je le crains, transmettre au regard posé sur mon panneau, ma toile, mon carton, avec toute la distance voulue entre mon travail et le réel dont la sensation devrait pourtant lui être sensible, recréées sans la sensualité et l’évidence d’une photo, la rugosité d’un mur de pierres jointoyées violemment avec l’irrégularité que je désire, la vie d’une tranchée de soleil créée par l’ouverture d’une rue lui faisant face pour le sublimer en s’y heurtant, jouant avec les grains des parements et des enduits, les oppositions de tons, les cassures, et la douce joie de la danse, figée mais perceptible, comme au ralenti, de l’ombre des feuilles d’un platane planté à l’angle, animée par la lumière tamisée des trous entre les branches et, à peine discernable mais si vivante, la saveur et l’épaisseur du feuillage.
3 – Je ne suis pas peintre mais pendant que mes mains ont encore assez de force, en assujettissant à la sagesse acquise leur maladresse qui donnait à mes tentatives avec les pierres tant aimées un aspect archaïque – mon ami y trouvait la marque d’une civilisation disparue, ce qui ne conviendrait pas à mon projet – je pourrais jouer à coller sur mon panneau un assemblage de minces pierres, installer face à lui un spot de lumière colorée comme elle l’est en fin de journée, intercaler des branches souples plantées dans un bac de sable que les déplacements des visiteurs feraient frémir lentement… on ajouterait une sono qui se déclencherait au passage d’un spectateur pour que son ombre avançant sur le mur, sortant de celle du feuillage, soit accompagnée vers la lumière par un bruissement de vent léger.
4 – Je pense qu’on pourrait appeler ça une installation.
image ©Brigitte Célérier – Avignon
Merci Brigitte pour cette mise en scène des pierres, des lumières, des feuillages. On s’y installe —oui, c’est le mot— volontiers, dans un lumineux confort, un apaisement. Merci Brigitte.
merci (suis pas très écriture et lecture depuis quelque temps)
« la rugosité d’un mur de pierres jointoyées violemment avec l’irrégularité que je désire, la vie d’une tranchée de soleil créée par l’ouverture d’une rue lui faisant face pour le sublimer en s’y heurtant, jouant avec les grains des parements et des enduits, les oppositions de tons, les cassures, et la douce joie de la danse, figée mais perceptible, comme au ralenti » C’est très beau Brigitte Merci
merci
J’aurais recopié le même passage que Nathalie, Brigitte. Très beau. Ingénieuse installation aussi. Merci.
merci