à sa nouvelle brève descente du train entre deux gares cette pâte matière nocturne composée à la fois de lumière et de noirceur par moments la happait comme dans un
vertige dont elle aurait voulu sortir mais les deux composantes étaient bien trop fortes et aussi indissociables dans cette texture presque malléable tactile de la nuit où d’étranges cris d’oiseaux semblaient se distordre par intervalles rapprochés et inévitablement la replongeaient dans le vacarme assourdissant des bruits de la guerre et des cris des plaintes qu’elles avaient connus et dont le souvenir par le truchement ici de ces cris modulés aigus d’oiseaux rapaces ? nocturnes guère identifiables lui faisaient ressentir de façon amplifiée tout un mouvement qu’elle avait déjà ressenti un mouvement gradué et par strates le long de certaines de ses articulations et même de ses muscles aux allures d’éponges sonores son cœur même se soulevait alors qu’au dehors les gens paisibles dormaient ; Les bruits en des polyphonies parvenaient à s’infiltrer dans les moindres interstices espaces de paix se superposaient en des couches vibrantes de diverses tonalités sifflantes ou dures qui s’éternisaient semblait-il dans une ampleur statique et imperceptiblement finissaient suite à une sorte d’usure (de tout le décor sûrement) ou alors ils se transformaient se développaient en spirales boucles petites ou larges ou bien donnaient l’impression d’être soudainement brisés cisaillés coupés net dans le ciel et sur terre sous de bizarres diktats et par des moyens invisibles mais sur lesquels il avait été facile de mettre avec le temps et selon les lieux des visages bien définis à savoir ceux d’avions de mortiers de rockets d’armes à feu L’anticipation même de ces sons s’ancrait dans différentes parties de son corps poreux tremblant et la sourde musique des tirs diffractés -semblait-il à l’infini- tendait cette sorte de peinture moite obscure circonscrite et compacte qu’était sa nuit d’où semblaient prendre vie des formes lugubres de bêtes d’animaux sauvages chassés frappés en toutes directions avec lesquels elle se familiarisait qui lui donnaient à voir des présences absentes dans le noir des présences échafaudées sculptées par les bruits les éclats de bombes des présences monstrueuses étrangement converties qu’étaient tous les corps qui avaient péri aussi tous les autres corps réunis dont le sien tous les cheveux les cils les pores robes humaines animales et végétales noircies par la fumée des déflagrations et aussi luisantes semblables à des éclairs de couteaux dans la si profonde obscurité de cendres ; celle de la terrifiante prison de Saidnaya qui lui apparaissait prenait et perdait dans une brume ces trop sages contours des geôles dessinées par le vénitien Giacomo Piranesi
Une pâte épaisse, lourde, noire. Belle ambiance. Merci pour ce délicieux voyage.
Merci beaucoup JLuc….
je me répète ce mot qui m’a happée (j’ignore pourquoi), texture…
ce texte est texture
et je vous rejoins à travers les silhouettes d’oiseau qui m’occupent aussi dans la « si profonde obscurité des cendres »
oui, Françoise, à propos de vos oiseaux je m’en étais déjà rendue compte!…d’ailleurs je pense que c’est assez unique ces résonnances entre nos textes à tous ici sur la plateforme…La texture de l’atelier!…
Densité illustrée. Force. Merci
Merci beaucoup à vous Anne…
oui moi aussi j’ai été prise dans cette coulée de nuit qui te frôle, te caresse, t’entoure. une spirale de nuit, bruits, images, si c’est une pâte, elle est faite d’énergie, elle est vivante.
Oh Bizaz! Un grand merci à vous!…