Je cherche à peindre ses cheveux, de dos, longs et lâchés, au moment où elle va passer la porte de l’hôtel. Elle a marché d’un pas décidé dans le jour à peine levé, la brume monte des canaux, son écho traverse l’hiver de la ville. Elle a des bottes, un imperméable à mi-mollet, elle porte des collants couleur chair. Le Carnaval vient de commencer. Elle a trouvé du travail à Venise. Elle se présente à la porte de service. Quand elle sera entrée, elle va changer d’habits, prendre un seau, des gants, un balai. Pour se faire embaucher, elle a dû fournir une carte d’identité.
Je cherche à voir ses chiffons, dans le seau qu’elle a posé à l’entrée de la chambre 45. Blouse noire, tablier blanc, elle n’est pas déguisée en femme de chambre : elle en porte le costume. Elle fait les lits. Elle fait le ménage. Avant, ou après, elle regarde les masques de carnaval accrochés aux appliques. Ils ont des nez pointus, très longs.
Je cherche à savoir ce qu’elle cherche.
Je cherche à atteindre sa cinétique, l’intimité de ce qui la pousse, son désir comme motion, le pourquoi de son action.
Je cherche à peindre Sophie, chambrière. Je cherche son geste efficace, quand elle glisse un drap blanc sous le matelas lourd. Je vois le flou de son mouvement quand elle jette dans le seau son appareil photo clandestin, parce qu’un bruit l’a surprise.
Je veux attendre avec Sophie Calle, au seuil de sa chambre noire, que se révèlent ses clichés.
Beaucoup aimé.
Un vrai suspens, bravo.
J’aime bien l’atmosphère Laure….Cela m’a rappelé un film de Benoit Jacquot qui se passe dans un hotel…