Il était ces épaules gonflées, il était ces mains agrippées, ces mains poussant, il était ces jambes tendues, ces jambes crispées par l’effort. Il était ces épaules gonflées, cet effort tournant, il était cet élan, ces yeux rivés sur le dos qui tournait devant lui. Il était ces épaules gonflées, cet effort, mais il était surtout à ce moment cette tête redressée pour envoyer le chant. Il était ces mains poussant l’anspect, il était les jambes crispées dans l’effort, il était ce chant qui les emmenait, et il les sentait qui poussaient derrière lui, et il sentait ceux qui l’entrainaient devant lui. Il était ces épaules gonflées, ces bras, ces jambes dans l’effort, il était tout dans l’effort, les yeux sur le dos qui le précédait. Ils hurlaient tous le refrain, et il reprenait souffle. Il était cet effort mis au service du cabestan et maintenant il chassait un peu des pieds, il redressait le cou sur les épaules gonflées par l’effort. Il était ces muscles dans l’effort et il relevait la tête pour relancer le chant, il était celui qui donnait élan aux jambes et bras, et front et muscles des autres. Il était ces épaules gonflées, ces bras poussant l’anspect, il était ces jambes poussant son corps, poussant ses bras, poussant l’anspect. Il était ses épaules poussant, il était son effort, il était la force des autres. Le vent s’annonçait bon et ils poussaient. La chaîne chantait fort en remontant et ils soufflaient « vire vire ». Il était ces épaules, il ne pensait plus, il poussait, ils s’en allaient. Il relevait la tête. Déjà il chantait : « la campagne a été longue vire, vire, vire, la morue et le flétan, vire vire au cabestan ». Il avançait le front, ils reprenaient « vire vire au cabestan » tapant bien fort sur les syllabes comme ils donnaient des coups de reins. Les derniers anneaux ont couru sur le pont. Le maître a bloqué le cabestan. Un ordre a été crié.
image ©Brigitte Célérier – 2022 – Avignon
quelque chose de Pierre Loti. Merci Brigitte Célérier
merci à vous Hugo
J’en sors épuisée de tant d’efforts. Bravo.
l’aime la répétition de « il était », elle me fait réellement éprouver la sensation de l’effort. Il a raison François ça marche le mâchonnement !!
Magnifique. Je sens le corps ( anspect mot nouveau merci) et la chute qui rompt le rythme . C’est fort.
oh grand merci pour vos passages ce matin ! va me ragaillardir pour cette journée (vais pas avoir temps de lire avant dimanche je le crains… plongée Rosmerta !)
J’embarque, merci.
sourire – à hisser matelot !
le geste individuel pris dans la force du collectif doublé d’une envolée imaginaire et d’un retour au réel à la fin, prise dedans, merci !
Formidable poussée, bravo ; anspect : oh le mot inconnu qui vient se coller rétrospectivement à l’image que j’avais en tête, et l’habiller…
On reste à bord ! et on vire…
MERCI Mesdames
J’ai vogué toute la nuit, détendu et rêveur après l’effort. Merci Brigitte
j’espère que ce fut bonne navigation
Le commentaire de Marie, même sensation. Le geste donné à voir dans le collectif et on ne sait plus à qui sont les jambes. Tellement visuel et aussi dans les muscles du corps de celui qui te lit.
il vaut mieux que les jambes ne se mélange pas 🙂 d’ailleurs la position des anspects ne le permet pas
Force des images et du rythme
Magnifique, ce galérien saisi dans toute la force de l’effort, dans l’océan rempli de son avancée puissante inlassable galérien, dans le bel océan de votre texte