Dans un coin à l’abri du vent le visage relevé. Les larmes de froid des yeux sèchent. Sur le mur mangé de soleil de l’autre côté de la rue la danse de l’ombre des lauriers qui se balancent sous les risées.
L’affirmation à l’angle d’une rue qui s’ouvre en biais de sept hautes souches en poterie rouge alignées et dressées contre la plaque d’un bleu ardent du ciel au dessus de deux sages façades néo-classiques aux pierres blanches sobrement sculptées que baigne en partie l’ombre. Elles sont de même taille mais leur espacement est juste assez irrégulier pour que naisse un petit rythme que reprennent les pilastres d’une des maisons et les trois rangées de fenêtres de l’autre.
Un mur aveugle. De fausses arcades en mince décor plaqué pensées pour l’animer. Seule compte en ce moment l’autorité de l’ombre de la haute maison Renaissance de l’autre côté de la petite place. Diagonale éphémère et autoritaire d’ocre sombre sur la pâleur beige du crépi. De la haute cheminée une ombre verticale vient se poser pour mettre un point final juste avant l’ouverture de la ruelle.
Angle de rues. Deux façades en fuite comme un éperon contre le ciel de saphir dur. Deux corniches sobres de pierres ocrées usées et grumeleuses mais sans fissure jetées en avant. La sous-face en pierres lisses comme celles de la façade au décor qui n’a été qu’esquissé est soutenue par des corbeaux de pierre. Leur extrémité qui pend légèrement frappée pas le soleil. La diagonale d’ombre pétrie de lumière sur leur longueur. L’ombre longue qui suit les trois petits ressauts au dessus de la chute la verticale des murs et la danse rythmée de leurs ombres sur eux avant de rejoindre la façade.
Cette gigantesque corbeille en forme de calice que dessinent les branches d’un platane et leur infime vibration dans le ciel.
Jaillissement de deux cyprès que le contre-jour maquille d’un noir vibrant. Leur assaut parallèle en contre-point des ressauts ornés de la tour-clocher est perturbé par le balancement de la squelettique branche égarée d’un micocoulier en partie masqué.
Dans la pénombre de la chambre dont la lumière est tamisée par un drap tendu devant la fenêtre les petites tresses serrées qui est tout ce qui émerge de la jeune ivoirienne pelotonnée sous sa couette. La tête se soulève au bruit et se tourne avec un sourire palot et un merci au bruit de la porte qui s’ouvre. Un bras se tend vers mon bras tendu et le cachet de Doliprane. Grognement satisfait pour saluer l’annonce du passage de l’amie chargée des soins.
Un minuscule petit être potelé crie de joie en jouant au foot avec deux grands corps dans la cour. Seules présences visibles à cette heure.
Le soleil qui amorce sa descente frappe une façade de l’autre côté de la rue élargie. Les sages alignements de sept paires de volets bleus sur trois niveaux rutilent au soleil comme un chant glorieux et teintent d’une profonde ombre bleue les quelques fenêtres ouvertes.
Dans la courbe tendue de la longue rue étroite, l’alignement des profils de deux frontons d’églises. Le plus haut est une entaille presque ridiculement mince dans le ciel dur qui jette ses forces de lumière juste avant de prendre le virage vers la nuit. Au dessus de la corniche qui surmonte le mur dressé vers le ciel avant de tracer le triomphal triangle s’alignent treize ou quatorze pigeons, troupe en blanc en gris ou en bleu pétrole. Le soleil creuse d’ombres la moindre des sculptures de la façade frémissante. L’attente se fige d’une désertion ou d’un envol groupé à grands battements d’ailes. Ils guettent.
Sur la grande place les extrémités des noires branches nues se dorent dans les derniers rayons. Se parent d’une promesse ou de l’illusion de la naissance là haut de bourgeons ou d’une promesse de retour de la vie.
image ©Brigitte Célérier – 2022 – Avignon
« Jaillissement de deux cyprès que le contre-jour maquille d’un noir vibrant. Leur assaut parallèle en contre-point des ressauts ornés de la tour-clocher est perturbé par le balancement de la squelettique branche égarée d’un micocoulier en partie masqué. » cette image va m’accompagner… ce qui est beau (aussi) c’est le surgissement de leurs corps dans ce précis photographique d’architecture et de ciel
merci !
Des phrases ciselées avec minutie pour des images nettes et joliment composées. Merci pour ce bon moment.
trop gentil… m’en vais combler une infime partie de mon retard de lecture (mais suis inapte aux commentaires)
la composition de ce que je vois revient à la nature et aux humains de cette ville
Accepter de se plier vraiment à la consigne. De ne pas utiliser de virgules ou autre chose. Rien que des points. Et du coup ça donne une force dingue, je trouve…
ça donne une énergie nouvelle
j’ai aimé la suite des architectures et des personnages qui surgissent là soudain, du petit qui joue au foot et le soleil et les branches noires…
Oui, et surtout ces surgissements d’architecture, j’ai aimé ce parti pris.
à vrai dire Avignon c’est ça (au moins l’intra muros)
une journée ordinaire (sourire – et sourire parce que ce qui n’était pas une épiphanie mais m’importait et s’est imposé, la jeune malade, est sans suite ce soir)
de l’exercice, vous êtes parvenue à trouver la solution (s’il y a énigme et solution, évidemment) – une certaine tendance (sympathique, pour moi en tout cas) à vous gommer – que de merveilles en tout cas (comme le mont Saint-Michel) (il s’agit aussi d’un nom de beignets (j’adore) dans le sud-ouest de ce si joli pays) (content de lire vos phrases – on remercie)
c’est moi qui vous remercie ! 🙂
Voir la ville à travers tes yeux, son architecture ses façades et ses rues pour arriver dans cette chambre… et c’est la vie qui prend le dessus et qui éclaire la fin du texte (avant, j’ai lu des angles, un mur aveugle, des ombres, après tout était dans le soleil !), je commente mal, pardon !
tu commentes très bien (mais les ombres impliquent de la lumi!re)