Il court | il dévale en courant l’escalier qui descend vers la plage | bruit du ressac | il court sur le glaçage de l’estran mouillé | bruit rythmé de sa foulée | il court à enjambées régulières | il imprime ses pas dans le sable | il court | son petit blouson foncé remonte sur sa taille | dévoile la chemise glissée dans le pantalon | il court | il ne va pas quelque part | il s’échappe | il court pour échapper | déterminé | obstiné | la falaise herbeuse s’étend derrière lui | il court | le paysage s’ouvre sur l’étendue de l’estran | la mer promet l’infini | il court dans l’uniforme qui tiraille | le paysage l’enveloppe comme un châle | l’enfant court | il court et jette un regard périphérique | il court au milieu des flaques où se regarde le ciel | il court vers la mer | il court vers les longues vagues plates | bruit ample du ressac | il entre dans la mer avec ses chaussures | il regarde ses pieds remuer l’eau | il y patauge un peu | il écoute l’eau remuée | il se retourne | il s’éloigne de l’horizon refusé | il lui tourne le dos | l’horizon fait barrage | où aller plus loin ? | comment ? | il regarde dans la direction d’où il est venu | il regarde | sa bouille de gamin durcie | ses cheveux en brosse | son long regard énigmatique | son regard tellement sérieux | interrogatif | menacé…
Point de rencontre entre deux espaces-temps, celui de l’enfant, de sa course d’enfant, et de l’océan, barrage mortifère, l’un vertical, tout en élan et l’autre horizontal, qui refoule, qui rejette, et l’écriture qui figure ce point de rencontre, l’enfant qui vient se cogner à cette barre de l’océan à cette barre de séparation des plans, qu’il cherche à ouvrir à sa mesure d’enfant, insatisfait de la limite, la refusant et cherchant à sauter par dessus, interrogeant l’espace pour y trouver un moyen d’échapper, un échappatoire… Je viens de lire votre texte à la lumière de la conférence de Deleuze à la fémis en 1987 (voir sur ubu) et forcément influencée par ce qu’il dit à propos des blocs-mouvements dont le cinéma se compose et aussi des espaces-temps propres à chaque film…
Merci Marie, je suis confondue par votre commentaire, ce que je voyais intuitivement du travelling majestueux prend une autre couleur
La répétition du « il court » dit quelque chose de l’enveloppement du regard. Le personnage est enveloppé mais aussi notre propre regard est enveloppé dans le regard de celui qui filme. Vous me rendez cette impression première ressentie à la projection.
Merci Christian j’ai un penchant exagéré pour les répétitions, mais là j’espère pas trop gratuite
Ce texte me donne l’impression que l’enfant est enveloppé par les vagues et le ressac, même sur la plage, comme s’il se laissait envelopper par des rouleaux d’océan. C’est un texte troublant
Merci Elvire, et vivent les enveloppes océanes…
Je l’entends courir autant que je le vois ce gamin… Contente de retrouver votre écriture, Catherine (c’est moi qui me suis absentée !)
ah Marlen, merci de ce commentaire, joie aussi de vous retrouver, j’ai été absente aussi, et je vais filer voir vos textes
Très fort ces images, cette course, cette moue de l’enfant qui s’échappe, comme un passage crucial entre un avant et un après avec l’océan comme point de rupture. Merci
ça s’élance; ça court; c’est hors d’haleine et ouvert; on est dans le mouvement. C’est une minute vibrante où tout se lie. Juste le présent d’un mouvement.
Grands mercis Marie et Nathalie de votre passage et de ces commentaires encourageants