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Si j’étais cueilleuse, je chercherais des bigorneaux. Ils vivent en colonies parmi les patelles, les algues, les moules, les balanes. Ils s’abritent de la houle et s’accrochent de toute leur force au rocher. Ils se font noirs dans l’eau luisante, gris bleu ou gris vert au sec. Il en existe des brun clair. Déroutant de les nommer sans se tromper : bourgot, littorine, vignot ou même bigorneau de chien ou encore bigorneau perceur. Et borlicoco, brigaud. Tous cousins, tous dignes d’intérêt. J’adule leur solide coquille bombée toute striée de lignes spiralées. Elle est douce au toucher et résistante aux remous. Pour les trouver, il faut attendre la marée basse, accepter de s’entailler la chair du pied pour aller à leur rencontre mains nues. Il faut se baisser jusqu’à eux, fouiller du regard la fine couche mouvante d’une eau de clapotis, les attraper fermement entre les doigts formant une pince et les arracher à leur abri. Un seau ou récipient autre permet de les emmener avec soi en escaladant cette fois les parois par où l’on était descendu jusqu’à la mer. Une folie.
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Je ne suis pas cueilleuse et ne vais pas souvent (à vrai dire, jamais) sur une plage. C’est désolant quand on y pense de ne pas pouvoir profiter de ces beautés que sont ces modestes créatures. Bigorneaux. Les gens de la campagne volcanique connaissent bien leurs vaches, leurs poules,etc mais l’odeur de l’iode qui se dégage de ces petites capsules noires, de ces curieuses petites boules odorantes comment les faire partager ? J’envisagerais volontiers une exposition (dans un premier temps, tant pis pour l’odorat). Les bigorneaux sous toutes leurs facettes : endroit/envers, teintes plutôt sombres/plutôt claires, tailles menues à plus conséquentes. Il faudrait des panneaux de présentation où les disposer. Il faudrait peut-être faire payer l’entrée (peut-être pas). Qu’aurait fait Pécuchet ? C’est à réfléchir.
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Pour m’être informée auprès de gens compétents, je sais que le public ne reste que quelques secondes devant ce qui est exposé. Malgré cela (quel ingrat !) je veux bien me donner tout ce mal. Pour elles, pour mes chères petites bêtes. Il faudra les installer sur des plateaux de verre (pour l’endroit/l’envers) et les disposer différemment. En carré, en rectangle, en cercle, par rangées de trois à cinq et par taille. Des spécimens de plusieurs teintes seraient appréciés (à condition de prévoir un éclairage pertinent). Pour inciter le public à regarder l’ensemble de l’exposition, un parcours obligatoire devra être mis en place. A la sortie une boutique Souvenirs pourrait clore l’événement. Quoi d’autre encore ? Une documentation sommaire pourrait plaire aux enfants. Il faudra y penser. Une vente de colliers de bigorneaux ? Un catalogue d’exposition ? Un prototype de lit-bigorne pour dormir dans sa coquille? Quoi d’autre ? Faudrait voir avec Bouvard.
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Finalement, j’ai bien peur qu’une exposition sur les bigorneaux ne soit pas Top surtout sans odeur d’iode ni mer à boire ; serait-il plus judicieux pour les faire connaître et apprécier de les montrer dans un restaurant ? Mais alors finie l’expo, on les consommerait. Pourquoi pas ? A voir avec le bar du coin.
Je découvre seulement ton texte : et si on faisait un diptyque ? 🙂
Je ne savais pas la richesse du nom des divers bigorneaux ; la fin du texte m’a bien fait sourire. Merci pour ce délicieux moment revigorant !
Ah ben oui, bonne idée un diptyque. Patelles et Bigorneaux. Aussi on pourrait les marier ? Merci Laure.
Oui tous ces noms quelle merveille! et l’humour! La scénographie de l’expo avec plaques de verre marche aussi très bien…
Merci Nathalie. Tant mieux si ça marche avec les plaques. Pourvu qu’il y ait du monde ! Tu es la bienvenue.