tes onze ans, tes jambes comme des brindilles, tes genoux bleus, ta colère, la lenteur, l’ennui. l’air chaud au dehors. tes soupirs sous le soleil brûlant. la lumière crue, l’air rêche sur tes épaules. tu es seule sous le jour pâle cisaillé de chaleur. tu marches, dans la poche une boîte d’allumettes, le carton doux sur ta paume collante. la lumière aveugle un champ, le maquis autour. la lumière éclabousse les broussailles, le vif des arbouses. tu marches sous la chaleur, le jour alangui — le champ est une chambre tiède, ses murs de buissons craquants et parfumés. ta colère, le vide, l’ennui. tu as pensé que tu pourrais faire là un feu minuscule. tu ramasses quelques brindilles, tiges cassantes, feuilles fragiles, tu en fais un cercle, sous la lumière crue. tu craques maladroitement une allumette. dans l’air chaud l’odeur de soufre amer, tiède. la flamme tranche l’air immobile. tu jettes l’allumette dans le cercle, un doux grésillement, des flammèches. rien que cette lumière et, la chaleur. les herbes se tordent en danse fugace, s’agacent dans la torpeur. tu avances, tes pieds de gamine chaussés de sandalettes soulèvent la terre. la poudre brune se colle dans le creux des orteils. tu tapes des talons pour éteindre le feu. tu tapes la terre. la chaleur tape tes épaules. le sang tape sous la nuque, dans la gorge. c’est éteint mais tu tapes encore. un pied puis l’autre. c’est fini, feu la colère, rien que des cendres. tu te figes sous le jour raide. la sueur chatouille derrière tes genoux. un chien aboie au loin. un goût de soufre s’écoule dans ta gorge brûlante. ça sent les herbes brûlées. tu regardes la vibration de l’air dans le jour lent, écoutes le crépitement des braises ténues — tu en veux encore. tu craques une, deux allumettes. brasier lent, flammes hypnotiques. elles montent, folles, giflent l’air, halètent. des insectes volètent dans la chaleur. une sorte d’ivresse, tu danses avec les flammes folles. talons cognent, étouffent le feu, frappent joyeusement le sol, triomphent. des brins incandescents se soulèvent. trois, quatre allumettes. tu laisses le cercle s’élargir davantage. tu défies le feu. flambeuse. attiseuse. qui vient danser avec nous ? les flammes s’élèvent. hautes, trop hautes. trop vives pour le jour lent. la chaleur. tu crois entendre le cri des insectes. tu as peur cette fois de t’approcher. tes jambes amollies, lourdes, ta tête tourne. les flammes elles en profitent, elles s’échappent, écarlates, joyeuses. elles te narguent sous le jour lent — blanc. tu voudrais des nuages lourds d’orage. l’air saturé, âcre. les buissons grésillent dans le feu toujours plus vif. derrière les flammes tu vois les collines inertes, molles. tu voudrais te coucher comme elles, ta colère calcinée sous le ciel indifférent, la chaleur. feu la tristesse, les chemins d’enfance, les nuages. l’effroi. tu voudrais la foudre. rien que la lumière sèche de juillet, suspendue
pas sûre d'avoir su ralentir le feu, à tourner en rond un jour de deuxième tour, mais relance le projet de l'été dernier
Brûler le feu, incandescent, flamboyant ce texte. Merci Caroline.
merci Clarence, reprise d’un fragment, j’aimerais qu’il rejoigne le projet né durant faire un livre… un peu loin de l’atelier, un salut amical depuis Athènes !
être encore capable de ces colères intégrables, de rendre feu.. me fait du bien idiotement de m’en souvenir