Cueillir, saisir, le présent de cet instant, vase rempli de sa voix, de ses gestes, de son histoire, de son œuvre. Il dit : A dix sept, dix huit ans, je voyais des livres sur Rembrandt, des livres sur le graphisme. Il y avait des choses dedans qui sont très frappantes : il peint, il continue. C’est très continu et puis il ne figure plus ou presque plus. Moi je suivais ces fils continus qui ont leur propre vie qui est aussi forte, plus forte que là haut dans le tableau où ils font une figure, un sourire ou quelque chose qui ne nous regarde pas.
Saisir, cueillir l’instant présent où il est question de l’instant précis, de savoir quand, de l’intuition du geste, de l’intuition du trait. A quel instant, le trait ? Il dit : Réussi ? Quand il exprime suffisamment. Quand son expression est complète. Ou un départ pour des complications, pour des choses autres qui se mêlent, qui se contredisent, se bataillent.
Saisir l’instant où il choisit de parler encore à l’instant où il sait que nos machines ne l’enregistrent plus. A l’instant où il choisit de commenter, comme pour lui seul, une image de son œil en gros plan. Il regarde la photographie d’André Villers. Alors il dit: Je vois un vieil homme. Puis il dit encore : Il a de très beau cheveux blancs. Il garde le silence un court instant. Il nous regarde. Il ajoute enfin: Il a le visage de la mort.
Le 15 juillet 1985 Hans Hartung avait accepté de recevoir une équipe de télévision dans l’un de ses ateliers du Champs des oliviers. Il parle de la folie, de la peur aussi, de la guerre, du regard des autres et de l’histoire de l’art. L’entretien enregistré dure 42 minutes et 28 secondes. Il fut hélas perdu par les archives de l’audiovisuel public. Sa retranscription intégrale est disponible en ligne depuis mai 2006.
Saisissant
indépendamment du fond (et du plaisir de lire Hartung) j’aime cette façon de faire varier subtilement la phrase introductive