La main se lance vers. La main propulsée par le bras l’épaule et toute l’envie d’avancer. La main va. La main propulsée veut et va. La main veut aller dans cette direction-là poussée par le désir de prendre. Le désir pousse la main à prendre, un geste qu’elle fait depuis longtemps — pas eu besoin d’apprendre, quelque chose qui est venu de lui-même à cause du désir. Désir de préhension lié à la nature de l’outil, pouce opposé aux autres doigts — une fonction efficace. Désir de prendre les choses de prendre le monde. La main propulsée par le corps croit décider — si peu de temps entre le signal enclenché dans une zone du cerveau et l’accomplissement de l’ordre que la volonté semble se superposer parfaitement au geste. Désir de prendre qui se propage à la vitesse de 100 mètres par seconde et pousse la main à devenir outil et l’épaule et le corps aussi poussent la main. Prendre. La main veut fort et va glissant dans l’air vers la tasse posée tout près sur le bureau. La main propulsée par le bras le corps a suivi sa trajectoire avec beaucoup de précision et a attrapé l’anse avant même de toucher la peau de la tasse et la bouche a déjà trempé ses lèvres dans le liquide brûlant. Le désir enclenche le mouvement de la main qui a soif. Déjà le goût des épices contenues dans le thé s’agitant sous la langue parce que la main propulsée par le bras l’épaule le corps le désir va très vite, encore plus vite dans les derniers millimètres, touche la peau de la tasse, se referme autour de l’anse, et la chaleur du liquide se répand autour de la langue des muqueuses des gencives. La main propulsée en même temps que la commande nerveuse. La main avec ce sentiment d’épices sous la langue et jusque dans la gorge, chaque milliseconde en train de dessiner le geste en train de s’accomplir. La main va exactement là où elle l’a décidé. Pas besoin d’apprendre. La main et le geste. La main veut et va.
Tout Françoise (telle que je l’imagine) : le geste précis, quasi instantané, direct pour prendre. Cette proposition m’a plutôt conduite vers la gaucherie, le geste malhabile, voire inconscient. Richesse de la suggestion.
Merci Danièle pour ce premier écho…
oui on part sur une image ou une idée
pour ma part je fonce toujours sur ce qui vient de façon immédiate, et cette fois ce geste que j’exécute des dizaines de fois par jour (je suis une buveuse de thé invétérée!!)
en tout cas merci encore d’être passée par ici…
prendre: un geste fondamental sur lequel il y aurait encore beaucoup à dire, mais prendre le thé bien sur, c’est tout à gfait ça et je vous parle en sirotant mon genmaicha…
ah ah, nous conduisons donc les mêmes expériences !!
merci Catherine
j’en veux bien une petite tasse moi aussi…
quand vous voulez ! ma théière est sur Paris !
Je découvre le thé, et ton texte gracieux et sensible (tactile, est-ce qu’on peut dire tactile pour un texte) me donne encore plus envie de le connaitre.
Bien sûr qu’on peut dire « tactile » pour un texte !
Je ne sais pas s’il est gracieux, ce geste.. peut-être que c’est l’idée du thé, l’idée qu’on s’en fait….
En fait je me suis simplement intéressée de près (comme il nous était proposé) à cette brève trajectoire de la main vers un objet, une tasse (ou autre chose) pour essayer de comprendre ce qui se passe et écrire cela dans l’idée de Gertrud… ah ce mâchonnement !
et grand merci Laurent pour ton attention…
De la main à la langue c’est geste sur. Un beau geste.
Oui, c’est cela…
je n’avais pas prévu d’aller jusqu’à la langue, seulement en rester au saisissement de l’objet, l’idée d’aller saisir, ce bref instant… et puis naturellement la sensation de chaud et d’arômes est venue avant l’heure !
Quelle précision ! Merci pour la déclinaison subtile et décalée de ces sensations devenues sentiments.
Merci JLuc pour ton écho
j’ai surtout essayé de trouver un mode d’écriture pour être au plus près de cela… alors tant mieux si c’est subtil !! ouh la la, ça fait plaisir !!
De l’incipit « la main se lance vers » aux derniers mots « la main veut et va »
toute la liberté du geste et de l’être.
je reçois ton commentaire en direct et qu’est ce qu’il est beau !!…
c’est parfois un miracle un commentaire, parce qu’il vient subitement éclairé le projet d’une lumière intense
liberté, c’est cela, liberté du corps en mouvement saisi dans son besoin, désir, urgence
la main préhension effleurement désir ce qui nous lie au monde