Les feuilles d’un arbre invisible traversent le double vitrage nappé de poussière. Des ombres tièdes et pâles sur le mur. Figées. Les nuages roulent à toute vitesse. Le soleil rend plus ou moins puissantes les feuilles sur le mur. Une main se lève, pleine de sa fatigue. Une main dans l’air. Une main se pose, tombe. Les doigts dans la lumière. La caresse de l’impossible toucher.
L’homme a des reflets argentés dans les cheveux qui brillent. Il n’a pas plu. Il fait beau. Les mains ramenées, croisées sur son torse. Ses mains courbées au-dessus d’une petite bosse bleue. Dans cette bosse reconnaître duvet clair et rosée des joues. De la buée s’échappe, l’homme murmure son bébé.
Dans la porte une femme assise. Dans la porte vitrée saisir cette vision sans trouble. Une femme est assise, les bras posés sur le bureau encombré. Elle travaille. Ne pas voir à quoi, seule expression imperturbable du visage révèle qu’elle s’adonne à une tâche précise. Concentrée. Rien ne pourrait la troubler. Effet pervers de se situer de l’autre côté de la vitre. Visage grotesque trop gros dans le carreau dépasse déborde. Les doigts appuient sur le bouton qui n’en n’est pas un, suffit de s’appuyer contre le cadre noir. Le corps tombe avec une fausse maîtrise contre la porte vitrée toute illusion est rompue la pièce n’est plus intime. Tout devient public.
Tout est silence. Tout est sans mouvement. De hauts immeubles dominent les petites constructions du quartier. Derrière l’un de ces immeuble, une haie sépare un terrain sportif. Quelque chose. Une forme. Un homme. Ou un garçon. Quelqu’un entre deux âges tente de percer la haie. Forme saugrenue qui lutte contre le vert. Un cri. Une dizaine de garçons jaillit des haies, derrière les poubelles et les voitures. Le paysage prend enfin son sens. Il perd des années, il gagne. Les garçons se poursuivent, lorsque l’un avance les autres reculent, ils ne savent pas qu’ils forment un ballet, ils éprouvent un jeu qui bientôt leur paraitra sans valeur.
Les filles aux visages de mères ont des regards qui se perdent. Dans des rangs serrés, les bras bien croisés tâchent d’unir. Unir les tailles disparates, les maigres et les grosses, les rondeurs dissimulées sous les pulls, les mains aux articulations rougies par le froid. Leurs jupes longues qui balayent poussière et le reste. Devant elles, les petits frères s’agitent, désorganisés, pas encore solidaires. Les tsitsit balancent sur leurs jambes. Ils chahutent. Elles sont derrière eux. Parfois un nom leur échappe, elles tentent vaguement de ramener au calme les bruyants. Elles marchent d’un pas égal, leur marche scellée d’un accord muet. Une des filles esquisse mouvement, elle fait relever les autres bras, entremêlés avec les siens. Elle porte ses mains auprès de ses lèvres. Elle souffle dessus pour les réchauffer. Ce geste ralenti le temps