vers un écrire/film #01 | et puis

(souffles étouffés de moteurs et de de canalisations) un visage presque de profil sculpté sur une bague entourant le majeur d’une main laiteuse tendue vers le ciel invisible sur rectangle à fond noir punaisé dans la mi pénombre contre le bleu granuleux d’une paroi accidentée au dessus d’une étagère de bois clair où un verre épais rassemble deux crayons gris non taillés un stabilo un critérium un feutre lilas à côté d’une brossette tordue rouge à pois blancs pointant vers des posts-it vifs un rouleau de scotch chargé de poussière deux stylos bics et un ticket de métro froissé dont un angle caresse une boule à pics orange presque cachée par l’ombre d’une théière en céramique grise à dessins bleus d’où jaillissent une poignée de feutres gris rose noir un stylo vide et deux règles dont l’une porte des traces rouges géranium et touche presque une série de cahiers alignés rouges noirs bleus jaunes aux tranches datées de 2015 à 2021 devant lesquels pend un attrape-rêve tordu dont la plume de pigeon sale tremble alors qu’il s’accroche au bras d’une lampe de bureau éclairant une chouette blanche punaisée s’envolant vers une pomme de terre en forme de coeur posée dans deux mains terreuses sous l’homme ailé torse nu loin au centre d’une grotte noir blanche grise et le mur laisse place au radiateur (avec ses canalisations sonores) et à la fenêtre qui ouvre sur la nuit d’une ville (et sans doute le souffle étouffé de quelques voitures) aux milliers de points lumineux flous se dissolvant jusqu’au noir opaque (froissement de draps et d’eaux remuées dans une bouillotte) — où se détache une clairière un ciel blanc une femme blanche et brune assise par terre contre un arbre observée de l’autre côté d’un ruisseau mousseux par un ours aux yeux jaunes elle écrit ours aux yeux jaunes sur un petit cahier d’écolière à lignes bleues dévalées au rythme d’une chute jusqu’au gris de neige (enveloppé de chuintements cryptés longs assourdissants avec au loin une conversation téléphonique en langue étrangère) qui s’ouvre comme un rideau de théâtre sur l’oeil d’un sanglier (une voix maternelle menace son enfant) puis sa hure baveuse la buée de sa respiration son pelage serti de gouttelettes (la conversation téléphonique avale tout) caressé par la main laiteuse du début elle serre une touffe de poils drus — horizon beige vu du ciel secoué par un silence de vent quelques nuages duveteux mobiles au dessus du flou d’une ville dans un désert rocailleux

© Lisa Diez, Marseille, 2022

A propos de Lisa DIEZ

Chercheuse polyvalente, sorte d'artiste tout-terrain. Valises posées depuis 5 ans dans les arts de la scène. Passages par la peinture, le documentaire, la photo… Et l’écriture, soutien fidèle de ces nombreuses traversées. Deux sites : www.soinartistique.fr (Collectif À la Source) et www.atelierdiez.com (vrac et chantiers).

4 commentaires à propos de “vers un écrire/film #01 | et puis”

  1. on dévale dévale à pleins yeux, chaque élégance de forme recouvrant le petit coin d’une autre, un coude à coude heureux, l’attouchement d’un angle, rébus magnifique vers la grande jetée

  2. comment une simple image arrive à meubler une heure de temps et à activer une imagination qui rebondit encore sur une réalité plus triviale – et l’absence de ponctuation majuscule début et point final comme si les mots circulaient dans les tuyaux