Au pied de l’immeuble les ouvriers attachent à une corde des plaques de métal brossé. Il fait soleil. Ils sifflent leurs collègues accoudés aux rambardes rouillées des balcons des troisième, sixième et neuvième étages. Poulies. Les plaques montent le long de la façade écaillée. Au premier, deuxième, quatrième et cinquième des ouvriers de l’OPHLM ajustent les plaques aux fenêtres des cuisines, aux baies vitrées des balcons. Un poste de radio joue « Il est venu le temps des cathédrales ». Un vieil homme tenant un épagneul en laisse s’immobilise devant la porte d’entrée de l’escalier C. Les mains dans le dos il suit la montée des plaques de métal. Son chien aboie, impatient. Un utilitaire de l’entreprise Teixeira se gare devant la porte condamnée de l’escalier B. Par les vitres baissées on entend des commentaires sportifs. Un ouvrier sort de l’escalier C un sac de charbon de bois sur l’épaule. Il remplit un barbecue de fortune d’une couche épaisse de galets noirs, y met le feu et l’attise avec le Parisien de la veille. Dans les étages les soudeurs lancent des gerbes dorées qui pleuvent sur un Combi VW poussiéreux garé devant l’escalier B. Des adolescents, retour du collège, passent au pied de l’immeuble en faisant une course de skateboards. Un nuage en forme de poire cache le soleil. Une Clio siglée SPIE se gare devant l’escalier B. En sortent deux hommes en costume. Ils mettent leur casque de chantier sur la tête, se dirigent vers l’homme du barbecue, lui serrent la main. Les sirènes du premier mercredi du mois retentissent. Celle de Gennevilliers, plus proche, est plus forte que celle d’Asnières. Le travail s’interrompt au cinquième étage puis au troisième. Un soudeur sort de l’immeuble portant une glacière dont il extrait des barquettes de merguez, des canettes de 1664 et une bouteille de Selecto.
Sonore à souhait… On y est. Visuel à souhait. J’ai suivi la montée des plaques de métal jusqu’à leur destination, bien contente de boire un coup à la fin ! Et ces gerbes de lumière sur un combi poussiéreux qui font écho (si je peux dire) au feu du BBQ sur du charbon grisâtre… J’étais le vieil homme, mais l’épagneul en laisse aussi. Enfin graphique à souhait, avec toutes ces lettres et ces acronymes qui accrochent la lecture. Un peu de Perec ici. Une heure de vie, un fragment, quoi avant, quoi après, j’ai bien envie de le savoir !
J’aime beaucoup le rythme donné par les lettres des escaliers, comme ça structure l’espace et le temps de cette heure!
Merci Xavier pour ton commentaire… Ton texte très visuel et concret me plait; jeu en horizontales et verticales. Dans le cadre fixe : les mouvements.
En te lisant est revenue une vidéo de Bill viola plan fixe face à un immeuble, les gens sortent et passent. Et Handke « l’heure où nous ne savions rien l’un de l’autre »… ce texte de Handke comme une longue didascalie
parfait, j’ose dire