vers un écrire/film #03 | replay

Le couvercle s’entrouvre. Le métal tinte. Une mousse coquille d’œuf grandit. Le bicarbonate a rendu l’eau épileptique. Laisser se répandre. Juste. Un peu. Voir. C’est un acte de matière, un mouvement (écume ou bave d’escargot fondues à la mémoire des yeux ou des doigts, selon).
Les boules de papier en luminaires, lunes suspendues au noir des carreaux disent l’heure. La nuit se défait.
Bruit de chute; le saut a manqué la cible, le miaulement se rue sur la bouillie de viande. Ce qui tombe fait rire ( ceux qui tombent dehors). Le givre du jardin dans les doigts sans mettre le nez dehors.
L’écran. Les mots. La lampe. Une lueur sous les plis accordéon. Les mots. Les plis. La langue arrimée aux dents. Neige en gras sur l’écran. Biffures : remettre à demain les doigts dans l’encre.
Pour un café l’escalier sans chaussettes; vitrification; couleur fondue au beurre et au sucre. Sa luisance. On ne va pas tomber juste pour faire rire le chat qui parle mais ne rit pas. ( si on riait?… Ginette Kolinka dans le poste c’est ce matin à 4H45 pas hier)
Le pyjama à têtes de chats sur le dossier de la chaise. Dépouille duveteuse refermée aux orteils. Où est l’enfant ? L’étiquette attachée à la manche. Est-ce qu’il sera déjà trop grand? (où est l’enfer des jeux de marelles à cloche pied).
Deux gants joints sur la table en bazar; Café terrasse de Van Gogh lamentablement reproduit sur le dos des gants et sur les doigts. Deux gants comme une visite inopportune. Insert mental : le tableau jaune vert bleu; la tombe au cimetière pas loin.
Têtes d’hortensia, leurs pétales desséchés. Couleur de temps; de quel temps.
Le mimosa du vase mange la lumière. Le mimosa mange les fleurs peintes en arrière plan. Se retourner sur rien.
Le trou des chaussettes; une sur deux dans la panière. L’émiettement du réveil qui donne l’heure en trainant. L’émiettement des livres sur le drap et voir du lit le ciel blanc. Tout passé au laid — homophonie,on laisse— de la chaux.
L’affleurement d’une pie à l’arrête du toit; ses noirs blancs dans la continuité du tout. Bruit blanc du dimanche; après c’est une soupe verte dans un bol bleu.
La bassine sous la chaudière pleine à ras bord. Laisser déborder. Encore quelques gouttes pour voir. Tâches au gris ciment. Tâches. Mettre en marche.
Le verre de lunettes a des croutes. Tâches aveugles au milieu du jour. Les corps flottant se sentent moins seuls ( myodésopie c’est le nom)
Empreintes de pattes sur la faïence; l’eau dissipe le noir. Croiser un visage en buée : le sien. Croiser ton visage: le tien. Incertitude et profondeur de la langue. Un visage surgit. Un visage survit dans la buée. ( Insert: Bonnard boxe devant la glace éclats rouges aux phalanges du mauve et du vert).
Vient la forêt à ras. Ça monte. Les yeux fouillent la terre. La boue a reculé ( l’émiettement du ciel dans la rigole au milieu du chemin ). À l’imploration des souches une mousse verte comme un dessus d’éponge. Lever les yeux faire le point sur le chien; faire le point sur l’homme à tête de chien. Attraper une aile au vol, un nuage de kérozène.
Redescendre.
Au stop la carotte du tabac réchauffe l’angle de la rue. En face la vitrine abandonnée des pompes funèbres. Avant hier encore, ou bien, le jour d’avant, des stèles pour les bêtes, silhouette de chat et de chien avec leurs marbres à graver. Un Kraft annonce: artisanat d’art. La céramique des cendriers et des bougeoirs en place des plaques et des urnes.
Disques dur. Disques noirs. Trier. Classer. La litanie des lits en repérage écran (distance de prise de vue. Taille de l’image. Sens de lecture). Mettre de côté. Jeter. Ranger.
Blancheur étale d’un lit défait. Blancheur létale qui vient au noir. Nuit de la chambre où luit l’écran avec le lit.
Boules de papier suspendues au noir ne disent plus l’heure. Extinction des fleurs et des fruits. Sur la table. Un livre tombe.
« Écrire de froid. sur un calepin qui sort de la bouche avec la buée » – « comme un mal d’enfance aguerri » – « Écrire-écrivant » – « Écrire le mur; écrire dans le mur pour voir » – « Écrire loin de soi« 

Laissé une première étape du texte grandir, un seul bloc,  au plus près du souvenir de l'écoulement d'une journée . Repris le texte et recueilli les images qui flottaient ( les citations — Fragmes — devraient-elles disparaitre ?) et repris le textes après suggestions des camarades lectrices(teurs)

A propos de Nathalie Holt

voilà ! ou pas

12 commentaires à propos de “vers un écrire/film #03 | replay”

  1. C’est extrêmement dense… on voit le granulé, le grain de chaque matière, dans un tableau infini démultiplié, une ekphrasis endiablée… pleine de rythme et de malice !
    et la démarche qui sidère : une remontée progressive dans le temps, avec juste l’ellipse du sommeil, mais un compte-à rebours comme si les objets se mettaient à jouer, à contrefaire le temps

    • merci de vous retours Brigitte et Françoise j’ai laissé le premier texte que j’ai pansé dans le flux d’une journée il m’a permis d’accéder aux images (cette étape devrait peut-être disparaître ?)

      • tu poses la question… alors je réponds que je pense que oui… mais c’est sympa de voir le processus, on comprend bien que c’est de cela qu’il s’agit…
        alors à toi la main…

  2. Quelle densité ! Vous êtes dans le regard, tel un Kantor au coin de la page, avec la force de cette écriture « loin de soi » qui n’efface pas le sujet mais au contraire le place comme en coulisse, omniprésent côté cour et côté jardin, metteur en scène donnant sens à la litanie des fragments. Merci Nathalie Holt. Bravo. Magnifique. Merci.

    • merci de vous retours Brigitte et Françoise j’ai laissé le premier texte que j’ai pansé dans le flux d’une journée il m’a permis d’accéder aux images (cette étape devrait peut-être disparaître ?)

  3. Louise, Danièle, Françoise, Ugo merci de vos lectures (le texte bouge). Découvrir vos propres textes m’apporte beaucoup.

  4. je me dis qu’on devrait dans codicille (enfin,est-ce le codicille ?) ôter les lignes vides entre les italiques – j’ai eu comme toi, comme Danièle dont je viens de lire le texte contributif (!) ces dispositions avec les phrases sans verbe (ou avec) ce type de phrases – j’ail’impression,quand je me retourne, qu’on les gommerait à la relecture (je ne dis pas ça pour toi, mais pour moi – c’est l’atelier on parle juste) – image par image – la résolution de la photographie et du cinéma (je veux dire le point) – et en écrivant je me disais aussi (comme Clarence dans le zoum) « non mais attends on a des choses à dire…  » – bon ça ne fait rien on avance

    • Merci Piero. Je vais tenter sans les citations. je me posais la question dans le codicille (phrase en gras)