véronique müller #été 2023

  • #été2023 #10 | non-écrite

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    soir
    que suis-je non-écrite, que suis-je ? que sais-je, que sens-je, le sais je ? que voudrais-je ? déjà l’utilisation du  je dégage d’une glaise où rien ne semble s’affirmer, qui pourtant existe, vit, dont rien n’indique qu’elle prenne jamais l’entonnoir d’aucun je. de quelle sorte de mal, atteinte, opposé à quel bien, et puis dans quel endroit du corps où se confond sentiment et sensation, et de quelle latence, dans l’attente de quelle frappe ? de quelle étreinte  de quel coup  quelle maladresse  ou caresse, quelle attente inarticulée. qu’est ce qui s’inarticule. se malaise, s’écrase,  s’oublie. quelle fatigue. y a-t-il quelque douleur ? ce non-écrit. couchée sur le côté j’enfonce l’os de l’œil dans une bosse de l’oreiller, tout va bien aller, de la hanche dans le matelas. s’éteindre. l’os frontal,  l’arcade sourcilière, l’os zygomatique sont de bons os. la hanche propre à s’enchanter.  exit.

    nuit
    en vérité tu ne sais pas ce que fait l’auteur pendant que tu n’es pas écrite, je crois que tu as raison de prendre la plume à ton tour. tu t’es levée, le plancher craque, l’obscurité n’est pas profonde et tu te demandes pour combien de personnes au monde à ce moment-là, le monde se tient tout entier dans le bruit d’un plancher qui craque et dans l’obscurité factice d’une nuit de ville. rien n’indique que celle qui t’écrit pourrait jamais l’éteindre d’aucune autre manière, ce qui à ce moment là te lève, à moins qu’elle ne te file un anxyolitique et bye bye. et la voie royale des rêves. laisse l’auteur tranquille à sa mère qui meurt et qui n’en dira rien de plus. à sa mère qui meurt, tu répètes, en son honneur. 

    (toi, tu n’as pas le doute des virgules tu as le doute d’être jamais d’aucune façon entendue et tu as le rythme régulier de l’écriture dans la peau. ce moment où le rythme vient à primer sur le sens. où les mots impriment leur frappe leur cliqueticlac dans le corps, dans le corps d’avant, d’avant toute désignation scientifique. d’avant toute désignation scientifique ou amoureuse, ajoutes-tu. pourtant tu es celle dont se soucie celle qui t’écrit, tu le sais, celle qui t’écrit et te rate.) 

    là, à défaut de savoir quoi faire après avoir écrit 2, 3 phrases debout dans la peu noire nuit, tu t’es assise en tailleur, tu fermes les yeux et te résous à être le corps que tu es,  corps aux pensées parasites. tu fais le même geste alors que celle qui t’as faite qui t’as défaite, l’écrivaine, tu écris, ton nez coule, c’est en vérité celui de la mère de celle qui t’écrit, qui te contamine, il te semble une fois de plus une fois encore n’être rien de plus qu’un corps, un corps fort solitaire dont tu as fortement l’impression que celle qui t’écrit, l’auteure, n’écrirait pas grand chose de plus à moins qu’elle n’ait pas encore donné sa mesure, ce qui ne risque probablement pas, tu t’es mouchée. tu feras dans le noir des mouvements inspirés du  tai chi, tu n’auras plus d’autre désir que celui d’alourdir encore tes épaules, et que cela suffise amplement, ralentir encore ton geste pour te souvenir alors de très loin que tu as rêvé justement de l’un de tes profs de tai chi, tu es une algue bougée dans le miracle d’un corps sans intention, elle fait les mouvements qui n’appartiennent qu’à la nuit même frelatée. cela s’appellerait danser ou vivre. ou guérir. cela prend du temps, cela ne s’arrêterait pas. cela aurait lieu dans plusieurs endroits du monde. la beauté humaine, la rareté. l’attention le poids. tu te l’es donné à toi-même tu l’as reçu pour très longtemps ça ne cesse et tu espères le donner à ton tour même si tu ne sais comment. celle qui écrit aurait aimé être avec sa mère, peut-être que toi tu l’as été.  

    rejoindre le sommeil maintenant.  

A propos de véronique müller

même si je perds le fil, je m'en sors plutôt bien mal.