Au milieu de la pièce, un lit immense. Très haut, difficile d’y grimper. La couette a une légère odeur de vieux. Rien d’autre. Tous les autres meubles et les pots de confiture emportés par les allemands. J’ai cinq ans.
Couverture caca d’oie de surplus de l’armée, lourde, rassurante, indestructible, se cacher pour lire.
Le plaisir de recoudre les boutons de nacre de taies d’oreiller au fond d’un lit avec des miettes de tartine, privilège d’un matin avec juste assez de fièvre pour manquer l’école.
Se relever dans le noir pour faire partir les moustiques. Ouvrir la fenêtre et compter les secondes entre les éclairs du phare. En contrebas, les voisins rient et dansent sur la musique des Beatles. Se résigner à refermer la fenêtre.
Nez à museau, petit matin avant le café. Une vache en camping sauvage. Un fou-rire dans une odeur de foins.
Une chambre à moi, un grand lit de quatre-vingt de large, l’armoire en plastique avec mes possessions, la liberté.
Des lattes de parquet disjointes dans la vieille maison, frottements, course en tous sens, offrande par le chat de son butin pour notre petit déjeuner.
Une chambre qui n’en n’est pas une. Pas encore de volets. Il y a du givre à l’intérieur. Dormir en survêtement.
Frayeur au milieu de la nuit, pousser l’armoire pour bloquer la porte, un hôtel en Amérique du Sud.
Une chambre à moi, en bout d’appartement. Deux fenêtres dont une donnant sur le dessus du garage voisin, terrasse réservée aux chats. Une envie de franchir la rambarde. Cinquante ans plus tard, sur le mur dans la rue, je découvre l’image d’une troisième fenêtre de ma chambre, peinte en trompe-l’œil.
tout mais surtout (pour moi : la couverture militaire – souvenirs… le museau de vache : crainte)
jolies notations
Merci.