Un bar dans les profondeurs, tu ne sais plus lequel, à Fribourg, pénombre, recoins, flashs de lumière criarde sur son visage tantôt bleu tantôt rouge, ni elle ni toi n’écoutez la musique, bruit de fond pour obliger les corps à se rapprocher. Tu avais écrit un poème qui comptait ses pieds. – J’ai beaucoup rigolé. Elle est assise sur des coussins, toi aussi, vos mains se frôlent, tu fais en sorte que mais à peine. Tu te tais. Elle parle. La blancheur de son cou. Tu ne sais pas comment lui dire que. – Est-ce que tu m’aimes ? Le silence s’installe. Elle s’est penchée en avant pour te poser la question. Elle attend. Tu n’arrives pas à parler, frappé une fois de plus par la blancheur de sa peau. Alors elle te raconte sa foi, la magie de la prière, le dialogue avec Dieu. Malgré la nuit, malgré le bruit, tu as compris que cela seul faisait naître en elle ce scintillement. Tu lui dis que tu as besoin de raison et que tu n’en trouves pas dans la religion. – Il faut lire Thérèse de Lisieux. Elle joue les savantes en se tenant bien droit sur les cousins de l’alcôve, tu comprends soudain qu’elle est intouchable mais tu essaies de poursuivre la conversation, de la ramener à des considérations plus terre à terre. Elle s’est envolée trop haut. Son regard passe à travers ton corps, elle voudrait sonder ton âme, elle s’intéresse sincèrement à ce qu’elle pense être ton aveuglement. – J’en aime un autre. Elle te dit le nom. Un abruti. Quelques mois plus tard, elle entrait au couvent, où elle fit vœu de silence.
Vincent, c’est une bonne claque votre texte. Difficile à commenter alors qu’il me touche de très près. En tout cas, j’aime bien votre précision d’écriture… et votre mot de la fin » Un abruti » ce qui m’a trop fait rire.
Merci pour votre commentaire. Ce texte a été difficile à écrire et je suis content qu’il vous paraissent précis alors que mes souvenirs de cette rencontre ne le sont pas.