L’écriture a surgi d’un dédale de grains de pierres concassées formant une mosaïque sauvage qui avait capturé des rêveries d’enfants. Une consigne d’atelier d’écriture, précise et intrigante, avait convoqué le sol de la petite pièce et c’était toute une constellation qui était apparue dans le carrelage en granito; des visages grimaçants, des sentiers accidentés, des histoires sans queue ni tête qui se dévoilaient au fil des mots. Ce qui avait été emmagasiné et brassé toutes ces années dans les carnets couverts de son écriture au bic bleu -sons, couleurs, sensations infimes- devint un réservoir dans lequel elle puisait sans effort. Les mots se présentaient comme un troupeau tranquille qu’elle accompagnait plus qu’elle ne le dirigeait. Ils racontaient la fraicheur du carrelage dans la chaleur de l’été, les encyclopédies qui renfermaient la terre entière, les heures passées à rêvasser, à observer les mouches qui se posaient sur le sol, à s’enfoncer dans les fauteuils, à ramper comme un serpent. La consigne d’écriture avait légèrement déplacé son orbite et dans ce monde dont enfin elle n’était plus le centre, elle goûtait la tranquillité de ne plus essayer d’être mais de laisser faire.
j’ai trouvé votre texte très sensible, très ancré aussi, et j’ai beaucoup aimé la chute du texte sur le laisser faire, une chose si complexe qui parait simple par le déroulement du texte, je partage ces sensations dans vos mots, merci
Je remonte le fil. Merci encore pour ce texte du surgissement dans les dédales de l’écriture. Merci notamment pour cette phrase et cette image si belle : « Les mots se présentaient comme un troupeau tranquille qu’elle accompagnait plus qu’elle ne le dirigeait. »