Oui ! Elle avait un visage, dont je ne me souviens pas. Ça me turlupinait et voilà que le manque éclate au jour, je ne sais pas son visage ! Ou si peu. Ce que j’aperçois en l’évoquant, c’est une face flou, dans une silhouette au loin, sur une photo… Qui n’a jamais été prise.
Je le cherche sans cesse. Il manque à mon Panthéon. La grand-mère, la mère et elle. La triade ! J’ai les visages des deux premières. Ce n’est pas leur vivant visage que j’ai en tête mais celui de leurs rares photos. Comment se rappeler un visage perdu depuis si longtemps sans nulle photo pour rafraîchir régulièrement la mémoire ?
Zoom sur la photo pas prise : je suis dans la salle de bains, elle, est plantée sur le seuil, dans sa longue robe noire, ses cheveux gris relevés en couronne. Il y a peu de dents dans sa bouche mais une grosse en or. Une dent en or dans une mâchoire dégarnie, c’est tout ce que j’ai de son visage à cette femme adorée.
Comment étaient tes yeux ? Ils devaient être grands et tendres
Ton nez était droit assurément
Quelques poils de moustache ? Peut-être !
Les sillons noirs de tes rides, tes peintures de guerre !
Je ne me souviens pas de tes lèvres et pourtant elles me parlaient. Où diable regardais-je, quand elles me parlaient tes lèvres ? Je me souviens bien de celles de ma mère, le jour où, pour la première fois pour moi, elle y mit du rouge. Moi je la contemplais dans le miroir. Elles étaient pleines et douces quand elle m’embrassait.
Mes mortes me visitent souvent, je les reconnais. Mais toi, jamais tu ne viens dans mes rêves. Ou peut-être y viens-tu mais je ne te reconnais pas puisque je ne sais pas ton visage. Je cherche dans les lambeaux de rêves contenus dans ce coffre en moi, les traces d’un fantôme non identifié. En vain !
Si je savais ton nom, je pourrais chercher ta tombe et peut-être, sur la pierre, j’y verrai le médaillon de ton visage. Celle que tu as accouchée, accroupie dans l’herbe aux lapins, avait-elle une photo de toi ? Il ne me reste que ton sourire vide avec sa dent en or.
Je suis touchée et très en phase avec ce texte…
Merci ! c’est que nous avons une sensibilité assez semblable je crois…
Un texte qui m’interpelle, me touche beaucoup
Merci Annick !
Texte délicat qui me touche beaucoup
J’en suis heureuse Huguette, merci pour le retour.