C’est une photo sillonnée, une photo des sillons, une photo de l’écart, éventrée de part en part. Un rectangle débordé d’un rectangle plus grand, bavant sur le côté en un premier écart de crème. Trouée en son centre quelque peu déporté, une trouée de ligne claire, trou d’un tissu noir et d’une sangle en travers. Deux photos l’une à l’autre, en deux sens opposés, tête en l’air tête en bas, le sillon creusé par la vie une année. Comprenons bien : ce miracle de l’argentique, petit miracle d’une pellicule deux fois utilisées, sans conscience pourtant, et superposant deux photos débordant d’une année l’une en l’autre. Miracle, proprement dit : là où la lumière un buisson ardent attendit, c’est une année humaine que la surface accueillit. Et creuse la même figure. Pas la même pourtant : un an creusé, diffère à soi ce visage déjà écartelé par la distance à l’autre. Aplat donc des couleurs se mélangeant ; par exemple : cette tête bleue et rose couronnée d’or de blé. Autre encore : ce tissu noir transpercé par les arbres. Ou bien sont-ce les arbres qui, enveloppés de noir, tombent en berne à l’envers. Et ce morceau de chair, lui aussi, dont on ne saurait distinguer s’il s’agit de ce bras d’aujourd’hui ou de ce cou de jadis. Années rappelées des nuits sur le papier : deux trouées à bien y regarder, deux trouées de noir tissu, en son centre déporté, en sa périphérie court coupée. Et dans cet oeil encore : un oiseau criaillant ? ou bien plutôt une herbe. Sinon une tâche laissée par l’aplat débavé. Le tout couleur sépia, le tout d’un grain des siècles très passés. Que se sera-t-il passé ? No lo sé, une année à déborder.