Le bordel, le chantier, le fatras, le fouillousse, le tas, le bogson, la pile, le bazar, l’amas, dérangé, la pile, les tas, roulé en boule, posé là, jeté, foutu, empilé, le merdier, le bordel, l’emmerdement, le cauchemar, le putain de bordel, le bordel de merde, le cloaque, le bogson, la merde, la chienlit, la charogne, la beuglée, l’enchie, l’empissement, l’amertume, la marde, chestie, le marridon, la moulère, l’alpicon, la prAa-a-Ha, l’achie, le machetin, la perte, le rejet, l’anticonservement, la pourrie, l’enfourrée, la trappe, l’entassement, la raideur, la crampe, la contracture, le bouchon, l’amas de cheveux mêlés à la merde, la pile de papiers de merde, les murailles de Paris, l’amas graisseux, les cellules adipeuses, les multicouches, le tout posé là.
Un tas, tas de vêtements, vêtements entassés, posés là sur une chaise, foutus sur le canapé, allongés sur le sommet du canapé, suspendus sur le dossier de la chaise, jetés sur le bureau, sur le rebord du lit, empilés sur la commode, dans l’armoire des tas de vêtements fourrés entre les piles de vêtements pliés, ça rentre pas. Dans les valises des sacs sous-vide de vêtements de bébés qui attendent un autre peut-être bébé, des vêtements d’été et des vêtements d’hiver. Un tas, tas de papiers, empilés sur l’imprimante, un tas de papiers et de dossiers et de courriers, courriers ouverts et non ouverts, des photos, des cd sur le bureau, des fils et des câbles emmêlés, des cassettes audio, des pots à crayons renversés, des piles de cartes de saison, des petits paquets de papiers brouillons découpés au cas où, divisés en quatre pour prendre des notes ou faire des listes, ou déchirés en longues bandes pour en faire des marque-pages, des livres à lire non lus, des livres à lire à rendre à la bibliothèque à peine lus et en retard, des livres à relire, des livres à lire vraiment, des livres à reprendre, des boîtes à chaussures vides pour ranger des choses, une boîte en bois noir avec des vieux bijoux en toc achetés parce que c’était pas cher achetés sur internet, des papiers à traiter et des factures à envoyer pour remboursement, des papiers à archiver. Des tas de pochettes d’archives très bien classées, pour la CAF, tout ce qui concerne l’assurance maladie, les maladies et les blessures, pour le Pôle Emploi, pour les impôts, pour les bulletins de salaire, pour les contrats de travail, pour les AEM, pour les Congés spectacles, pour EDF, pour les assurances, pour la mutuelle, pour le téléphone, pour les droits d’auteur, pour la banque, pour le dépôt de plainte, pour l’appartement, pour la crèche, pour le Navigo. Un tas, un tas de vaisselle, des couverts foutus dans l’évier, avec des casseroles et une poêle, un bol en barbotine de chou, un empilement de casseroles et de poêles, dans les placards un tas d’ustensiles, des piles d’assiettes, des tas de verres, des tas de plats, des saladiers et des plats à tarte, des plats rectangulaires, des plats creux en céramique pour faire des lasagnes ou des petits gâteaux, des assiettes creuses empilées avec des assiettes à dessert sous des empilements de saladiers, un tas de boîtes de sardines, des sardines aux olives et des sardines à l’huile d’olive, des bocaux de sauce tomate et des briques de lait de coco et de crème de coco, et tout un tas de choses pour les fêtes, flûtes à champagne, verres en carton, assiettes en carton, pailles en carton, bougies à gâteaux, serviettes en papier, au-dessus du placard un tas de bassines et de sceaux et des vases entassés bleus, roses, verts et transparents. Un tas, un tas de sachets de tisanes en vrac, du thym, infusion du soir, infusion nuits d’hiver, fenouil, romarin, verveine, camomille, sauge, et des tas de boîtes de thés, des tas de boîtes de tisanes, tisane pour le foie, Digerdel, tisane digestion facile, tisane d’allaitement, et la tasse zèbre, et des tas de tasses. Un tas de bouteilles dans le placard blanc du vide-grenier au bord du parc, bouteille de rhum, sucre de canne, calvados et vins rouges de basse qualité apportés à des fêtes par des amis qu’on n’a jamais bues.
Bordel, bazar, fatras, foutraque, fouillousse, désordre, bordel, des tas, des tas de, de, de merdes et de choses, des tas de tout, un tas de tas, des tas de piles, des tas qu’on déplace, qu’on replace, qui s’effondrent et qu’on reforme, des tas qu’on plie et qui se déplient, des tas qu’on range dans l’armoire en une belle pile, harmonieuse et aux bonnes dimensions ça fait une jolie vue pour l’œil, un certain confort aussi, de jolies piles avec un assemblage de couleurs désordonnées, bien agencées dans le désordre, désordre, désordonnée, désorganisée, déshabillée, désopilée, désarmée, dépistée, dépoplitée, des armées de tas qui s’entassent au fond des, des, au fond des, des boucles de Seine, paysage ondulant vers l’embouchure de la Seine lointaine où se rejettent les effluves du fleuve non pressé de se jeter dans la baie, sur les rives envasées, qui s’envasent toujours davantage et toute la faune de la vase et du marécage des rives, grue, pic-épèche, pic-bœuf, chevaux de Camargue, poissons-coquillages enfouis, larves et insectes spécifiques des rives embouées, de la boue jusqu’aux genoux, de la buée sur la vitre de la voiture en haut du pont de Tancarville, de la brume sur la rive, et des énormes grues immenses, des grues à porte-conteneurs, des centaines de milliers de conteneurs déversés par jour par les porte-conteneur, immeubles de mer, géants immeubles, l’équivalent de quatre terrains de football, naviguent et attendent au large le moment idéal pour déverser tout ce qu’ils contiennent de parfums, marchandises à haut risque, marchandises sécurisées, électroménager, boutons et vis, circuits électriques, voitures, scooters, motos et camions, tissus, sacs, vêtements, des tas de vêtements, des tas et des tas de choses, des milliers de milliards de choses entassées dans les porte-conteneurs, des dockers en haut des grues très hautes, pilotent à la machine le déchargement des milliards de choses, pas de déchargement à dos d’homme, pas de déchargement des régimes de bananes à dos d’homme, ou de sac de coton, ballot de coton déchargés à même les bras, manger une banane allongé sur un tas de coton dans le fond du conteneur, remplissage des cuves à pétrole, les gros cylindres au toit conique aplatis sur le port et tout le long de l’embouchure, les raffineries, les tours de fer avec une flamme au sommet qui brûle, brûlent nuit et jour, l’odeur d’un papier de bonbon cramé, industrie pétrochimique, tout arrive, fut un temps le café, des sacs de cafés en toile de jute, chez le torréfacteur l’odeur du café torréfié meilleure que le goût du café, de l’ammoniaque.
merci, ça réveille !
Avec plaisir ! Ça pourrait être marrant un réveil-texte. Réveil en douceur, réveil express, réveil méchant…
(et aussi à ça : http://barbotages.blogspot.com/2021/06/my-creative-method.html) (je ne sais pas si ça apparaît en lien, c’est le bazar en commentaire) (si ça va)
Merci pour le lien !
Oui là on est sur un niveau de bordel très supérieur… merci pour le lien, très instructif !
Incroyable quand même cet atelier et cette histoire de poussière mêlée à sa peinture…
On s’y retrouve un peu dans ce tas de brol…
ah oui le brol oui… :°)
Joli oui le brol. C’est d’où ?
Magnifique litanie ! qui appelle la récitation à haute voix…
Merci Béatrice !
Et quel bordel! bravo!
Merci pour le message
Joyeux bordel en fait ! Heureux enterrement du lys blanc posé à même le sol d’un loft. C’est vrai que ça sonnerait bien…
le brol : outre Quiévrain (chez nos amis belges) (les diables rouges en football) (je ne goûte point trop mais n’importe ça leur va bien) (par le fait, on va pas se mentir, voilà : tout à l’heure, Belgique Italie) (du coup) (genre)
j’aime beaucoup ce mot (de Bruxelles à l’origine mais utilisé en Wallonie aussi) qui en une seule syllabe sonnante arrive à dire tant de choses…
L’accumulation des choses, des objets (le syndrome de Diogène n’est jamais loin) invitent à l’accumulation des mots et c’est par eux qu’on perçoit ce qui, dans cette accumulation, est énergie, dynamique, élan, mais ce qui parfois aussi peut nous ensevelir, nous faire disparaître. Un état du monde actuel que ce texte restitue avec force.
plaisir – ce qui domine tout, le plaisir de cette accumulation, serait à lancer à pleine voix
Jubilatoire, merci Brigitte
Enfin je découvre ton bordel tant célébré. Bravo Mathilde, quel rythme, que de styles, d’audace et d’humour, Bravo
Et merci pour l’agréable moment passé ensemble sous le soleil des Buttes Chaumont, c’était bien, à bientôt
Merci Cécile pour ton message ! Oui super le petit café sous les arbres l’autre jour ! Bises à toi