Que je marche dans la rue, prenne le métro l’autobus, que je respire sur le balcon dans le jardin les buttes les quais ou le bord du canal, que je pense à cette nouvelle idée à concrétiser, mettre en images et en mots, que je marche et ton bras au mien, le vent dans les yeux qui pleurent, que je sois assis couché debout les pieds au mur ou accroupi à passer l’aspirateur, devant l’évier à couper l’ail et les oignons pour la sauce, ici là dans le couloir, dans l’escalier à chercher si je n’ai pas oublié mes clés, mes tickets ou mes papiers, l’argent le sac la liste, que je sois ici en train de lire cet immonde roman qui se veut thriller ou cet autre, plus abordable peut-être, cette biographie de Margot ou de Nathalie (ce sont des femmes qui viennent, je ne peux guère faire autrement sans doute), que je sois debout ou couché, en train de rêver cauchemarder délices horreurs sensations mémoires, qu’il m’arrive même d’en rire plutôt que d’en ruminer, les yeux ouverts ou fermés, que ce soit au présent ou à l’imparfait, toujours et encore toujours, elle est là – ça peut ne pas être loin, en bas de l’avenue, elle est là, ce n’est pas qu’elle me suive ou m’accompagne, que je veuille m’en débarrasser ou l’oublier, la laisser à ses affaires, je ne veux pas spécialement qu’elle me lâche ou qu’elle s’en aille, mais elle est là, elle me suit je suis là et elle aussi, je crains que personne ne la voie ou alors c’est ce que j’espère, c’est ce que je veux, elle ne me fait pas honte mais non plus plaisir je n’attends rien d’elle, elle est là – aussi bien ça peut être sur le bord de la lagune, je me souviens cette île San Erasmo, je me souviens le potager, les cultures le soleil, elle est là aussi bien que
sur cette grande place où se trouve ce mercenaire à cheval les yeux portés loin devant lui, mais sur sa gauche, sur cet horizon implacable et étincelant – je me souviens de Nicosie ou de Smyrne et Salonique, je me souviens
le train qui s’arrête à Larissa, et aussi de ces histoires que je n’ai jamais vécues mais elle est là – un jour je disparais et elle me suit, enfin elle me prend – là
belle évocatipn/description/incarnation de l’obsession
magnifique, merci Piero !
Elle est là ! Serions-nous tous des obsessionnels ?
j’y pensais pas remarquez (je ne sais pas bien à quoi : la solitude (et la chanson de Barbara) ? l’écriture ? l’art (sauf qu’il est masculin celui-là) ? la mort ? quelque chose d’autre aussi…) Mais enfin merci à vous
De la légèreté et du mouvement pour dire le lourd. Merci, Piero.
Comme j’aime ce texte!
ELLE est là .
OUI.
@Simone et Nathalie : merci à vous deux
on virevolte tout du long et tout est là, elle oui,
Rétroliens : miss you – 9 avril 2021, bicentenaire Baudelaire
@Catherine: content que ça te plaise – merci du commentaire