Les grues, c’est normalement temporaire, mais celle-ci elle ne bougeait pas. Elle était haute, de la taille d’un immeuble de 12 ou 13 étages au moins, un peu comme toutes les grues, de couleur jaune avec des parties rouges, elle formait un angle obtus, un angle de 110° environ, peut-être, à vue de nez. Elle a intégré le paysage comme un nouvel immeuble ou plutôt comme un arbre, on ne sait pas comment elle est arrivée là, on ne l’a pas vu croître que déjà elle est immense et nous dépasse tous. Je ne sais pas non plus à quoi elle sert, ce qu’on veut construire avec, elle est simplement là, comme une œuvre d’art, aucune autre finalité qu’elle-même. On ne l’utilise plus, elle est toujours dans le même angle, le quartier autour n’a pas changé. Elle reste tendue comme une main levée, doigt tendu vers le ciel, son poignet cassé, un angle, toujours le même. C’est un objet abandonné, jeté-là, comme vestige de temps plus ancien, c’est là, la postmodernité, où la modernité même est morte, mise en musée, des ruines qui brillent encore.