Derrière la fenêtre du jardin enchevêtré
Je me suis réveillée avant le lever du soleil. J’ai nourri les poules et les chats, j’ai pris mon petit déjeuner et fait ma toilette. Le ciel est blanc et assise derrière la fenêtre du salon, j’attends de voir passer les voisins. Je sais comment ils m’appellent : la vieille dame aux chats, parfois ils simplifient m’appelant la vieille aux chats. Je ne me vexe pas. Je suis vieille et je nourris douze chats qui vont et viennent comme ils veulent. Ils sont libres. Un seul d’entre eux monte sur mes genoux. Je caresse son épais pelage roux à cet instant, il ronronne et s’amuse à regarder lui aussi à travers la fenêtre. Certains diraient que je les surveille, que j’épie. J’ai gardé cette habitude vieille de trente ans, ne dit-on pas que les vieilles habitudes sont tenaces ? Hier j’ai vu une jeune fille quitter la maison de la voisine, je ne l’avais jamais vue auparavant et je la vois maintenant apparaître au coin de la rue. Elle s’arrête devant mon jardin comme elle l’a fait hier. Cherche-t-elle mon regard ? Je voudrais ne pas exister, regarder sans me laisser apercevoir. Je retiens ma respiration pour ne pas déplacer les rideaux.
Celle qui attend
La lune commence à disparaître. J’aime tes miaulements mon chat aux si beaux yeux verts. Je baille encore, je n’ai pas bien dormi. Elle n’est toujours pas rentrée. Elle s’est perdue, ou bien a-t-elle fait une mauvaise rencontre ? Est-elle partie ? Peut-on partir en oubliant ses bagages ? Je te parle comme si tu pouvais me répondre. Je commence à avoir froid. Le vent s’est levé et éparpille les feuilles que je n’ai pas ramassées hier sous la véranda. Si elle ne revenait plus ? L’idée même m’effraie. Je me suis habituée à sa présence en si peu de temps ! A ses habitudes, son enthousiasme. Je ne pensais pas avoir tant besoin de mouvement autour de moi. Je me suis endormie sur les habitudes, dans cette maison délabrée, pâle écrin de tous mes bonheurs. Je vais encore une fois examiner les deux côtés de la rue. Une silhouette approche qui, hésitante, retourne sur ses pas avant de disparaître. Elle aurait reconnu la maison et je l’aurais reconnue malgré mes yeux fatigués. Mais où sont mes lunettes ? Si elle ne revient pas, cela aura été un joli rêve.