Il y avait cette petite rue en face de ma maison. Enfin je ne sais pas si on peut appeler ça une rue, c’était peut-être plus un chemin. Il menait à la rue de L’Eglise et je l’empruntais pour aller à l’école ou au centre ville. Je me rappelle à quel point c’était étroit et sombre lors des jours de pluie. De part et d’autre du chemin, il y avait des buissons et des arbres avec des branches qui barraient parfois le passage. Dans la nuit, les arbres avaient des formes humaines et le vent donnait vie aux feuillages. Je tremblais de tout mon corps et je ne pouvais cesser de m’imaginer qu’on allait m’attaquer. Encore aujourd’hui, je me souviens de la sensation de peur que j’éprouvais quand je passais par là du haut de mes huit ans. Le chemin semblait si long et mon coeur battait à un rythme effréné comme si un danger rodait derrière moi. Quand j’étais seule, je courrais à tout allure et sans regarder en arrière pour le traverser. Quand il y avait ma mère, je serrais fort sa main dans la mienne comme si je me sentais protéger et que plus rien ne pouvait m’arriver.