1 Jean-Louis. Une grande et grosse carcasse un peu déglinguée, une bonne tête ronde et des yeux gris très clairs.
En son for intérieur, des couches successives, ordonnées et cadrées, sur le littoral comme des stratocumulus empilés depuis si longtemps et au milieu ce craquement retentissant.
Catherine. Longiligne, un visage aux traits rigoureux et fermes, toute en tension.
En son for intérieur, un jardin infini où sont allongés des hommes extraordinairement immobiles, rien pour les déranger.
Maè. Belle fille quoiqu’ un peu maigre, une chevelure en pétard noire très noire et ses yeux si bleus.
En son for intérieur, la grande pagaille. Tout est mélangé. Un parfum de drogue refoulé, des nuages noirs et des éclairs soudains, sans pouvoir se fixer nulle part.
2. Jean-Louis est en train de faire une soupe avec son Thermomix. Tranquille, il prépare ses légumes dans sa cuisine bien équipée, il attend un acheteur inconnu pour une de ses trompettes rare en mib. Il regarde par la fenêtre, une voiture…une ferrari se gare, un homme en descend bien habillé, monte les escaliers, après l’instant où on se regarde, se toise, ils se mettent à discuter sur les voitures, la solitude et la trompette. Le visiteur la veut tellement qu’il en donne une somme surestimée avec insistance. C’est tout. Il se retrouve à siffloter dans sa cuisine, puis descend au sous-sol regarder ses 18 trompettes.
Catherine rentre chez elle, dans sa petite maison en pierre à la lisière de la forêt, elle est pressée d’aller vers son tour et travailler l’argile. En enlevant le chiffon humide qui enveloppe son personnage, cette odeur de terre la ramène au vieux monsieur vu tout à l’heure dans son champ. Il lui a parlé de cette terre trop tassée sous ses pieds, avant, elle était meuble la terre. Au dessus d’eux tournoient ces nuages qu’ils n’ont pas vu se préparer.
Maé est avec la copine de son frère, occupée à des gestes vides de sens, enlever le vernis rouge sur ses ongles de main. En faisant cela elle parle, parle trop fort, s’agite et fond en larme. Se reprend aussi vite, elle débite une ou deux phrases à la copine, puis toutes deux partent dans un fou-rire énorme, il ne s’arrête pas, il enfle, il saccade et part en hoquets incontrôlés. « On est bêtes, mais on est bêtes ».
3. » Oui, il exagère, ça lui a pris tout d’un coup, je venais lui dire que la répétition serait difficile, il m’a envoyé promener, il fait son petit coq, tu comprends, il vient d’arriver comme nouveau chef d’orchestre. C’est un jeune, moi ça fait 30 ans que je suis là, il pourrait peut-être…il venait de prendre une chasse lui aussi. Hmm il m’a rappelé le soir pour s’excuser. Tu comprends le concert approche. »
« Je prendrai ce qu’il y a de plus beau. On peut faire tellement avec peu. Au collège Cévenol, j’ai eu plein d’amies de tous les pays et on a gardé des contacts. Pour se voir, c’est plus compliqué, on y arrive tous les deux ou trois ans. Je suis allée en Suède, en Hollande, à Berlin plusieurs fois. La ville, ça me change de ma maison du bois où je suis seule si souvent. Et puis elles sont venues aussi chez moi, à plusieurs reprises, c’est avec elles que j’ai appris tant de choses. »
« C’est fou d’hésiter comme ça tout le temps. Je ne sais pas si je vais retourner en Bretagne. J’ai envie mais j’ai peur, je suis partagée comme toujours. Parce que ici on me propose du travail mais que pour quelques mois et ça me casse le chômage, tandis que si je pars, je ferai du woofing, nourrie, logée. Je suis toute cassée en dedans, c’est le foutoir dans ma tête. Mon frère m’encourage, il viendra me voir si je vais là-bas. Il dit « si tu ne pars pas maintenant, tu ne partiras jamais; » Il a raison quand même. »
Beaux portraits ! Maè m’est particulièrement attachante.
Merci, Alice. Je suis allée vous lire, vous avez beaucoup de choses à dire, j’aime beaucoup « celles qui… » je continue. Merci beaucoup.