Si par hasard je ne regardais d’une fenêtre des hommes qui passent dans la rue, à la vue desquels je ne manque pas de dire que je vois des hommes, tout de même que je dis que je vois de la cire ; et cependant que vois-je de cette fenêtre, sinon des chapeaux et des manteaux, qui peuvent couvrir des spectres ou des hommes feints qui ne se remuent que par ressorts ? Rassurer la perception en traversant les corps passants, ceux de la rue assourdissante, se glisser sous le feston et l’ourlet. Descartes. Baudelaire. Laisser flotter. Tracer tout droit sans se déporter, visiter les chairs et les consciences des quidams de trottoir. Sentir cette crispation dans son ventre là, elle a peur, c’est son premier entretien d’embauche, est-elle bien habillée ? La chemise la serre un peu, elle rentrera le ventre une fois assise, en marchant personne ne doit remarquer, et puis qui peut savoir qu’elle a pris un peu de poids ? L’alcool l’apaise, il peut rentrer serein, c’est vrai que ça pue un peu là-dedans, est-ce qu’une cirrhose sent mauvais comme ça? La démarche est mal assurée, les talons sont neufs, l’avant du pied lui fait mal, elle aurait dû prévoir une paire de ballerines, elle s’en veut, il faudra tenir toute la soirée, pour qui, pour quoi ? Elle ne trouve pas la réponse. Il faut accélérer malgré la douleur sinon je vais louper le bus. Si je pète en pleine rue personne ne le saura se dit-il. Vas- y mon gars ! Elle n’a pas de culotte sous sa jupe, c’est volontaire, elle pense l’exciter. Elle se dit que les séjours à Londres sont agréables, qu’elle y retournera. Il a envie de vomir tellement il s’est gavé au buffet à volonté, arriver et faire une sieste. Il est prêt pour la prochaine course, le cœur récupère vite, les muscles aussi. Il arrête le chrono et souffle un peu. Il ne voit pas la tumeur qui s’est installée dans le creux de sa vie pourtant si saine, du dehors. Faut-il l’arrêter, lui dire ce que l’on voit en traversant son corps ? Penser qu’il s’agit de chapeaux, de manteaux ou de ressorts à ourlets était moins fatiguant que cette traversée des chairs.
Je pense souvent à ce texte de Descartes… Mais c’est fort de lui faire serrer la main de l’ange des Ailes de Berlin.
Merci beaucoup Emmanuelle pour ce commentaire qui me touche
Bonjour Marie-Caroline,
Oui, quelque chose des Ailes du désir entre les lignes de ton texte.
Traversée de passants, quelle aventure… parfois au risque de surprendre des choses graves.
Merci beaucoup pour ton écrit que j’ai beaucoup aimé !
Merci Fil pour tes commentaire toujours si encourageant, ça aide vraiment!
J’aurais voulu être encore plus fine et petite pour parcourir toutes ces entrailles un peu plus profondément, mais ce n’est qu’un début me dis-je, chouette dispositif en tout cas.
oui c’est drôle Marion car je me suis dit que si j’avais eu plus de temps j’aurais pénétré plus en avant dans les entrailles…peut être une piste à rouvrir…merci pour ta lecture
la traversée des chairs comme une traversée des bois
beaucoup aimé, même si certaines choses ont dû m’échapper… eh bien justement, c’est bien quand ça échappe
merci Marie Caroline
(je ne te visite pas assez souvent, le temps me manque pour la traversée des textes !)
Oui tu sais cela m’a parfois aussi échappé car les traversées sont brèves on n’y attrape que quelques éléments du corps ou de l’esprit des passants…merci!! Et pour le manque de temps de lecture je compatis, j’ai le même problème…à très vite Françoise