Traverser la rivière

Écarter les hautes herbes aux libellules furtives, fouler la vase et s’élancer dans les flots sombres filant au Confluent vers les eaux larges qui charrient les branches de la nuit d’orage dans le courant     sa force     ne pas lutter contre    mais étirer son corps dans l’oblique des flots sombres que la pluie a gonflés jusqu’à la langue de terre entre la rivière et le grand fleuve un frôlement sur les cuisses fait sursauter et l’image de l’énorme silure porté par deux pêcheurs fend la mémoire – combien de monstres blottis au fond des eaux ? – mais ce ne sont que des algues qui s’enroulent à la cheville et l’eau s’éclaircit en allant mouiller la rive.

© Muriel Boussarie, Candes Saint-Martin, 2021

A propos de Muriel Boussarie

Je travaille sur un chantier d’écriture au long cours et j’espère avoir assez de souffle pour le mener à terme. L’intuition de ce projet a surgi ici, dans un atelier du Tiers Livre. Il était question de se perdre dans la ville. Comme je ne voulais pas suivre une piste trop autobiographique, j’ai délocalisé l’errance en la situant dans la ville de K., un avatar de Hong Kong qui m’avait tant fascinée. Alors un personnage, un homme, Tu, toujours interpellé, est immédiatement apparu dans une rue de K. où il s’était égaré. Malgré cette entrée en matière – très forte pour moi – je n’ai pas pensé au départ écrire une histoire, encore moins un livre. Mais je voulais écrire, rêver un univers, celui de K. Quelques textes ont ainsi vu le jour sur mon blog. Puis lors d’un nouvel atelier de François Bon, un fil d’histoire plus précis s’est ébauché : le départ de Tu et L. vers les îles pour fuir la dictature qui sévit à K. À ce moment-là s’est déclenché un grand désir de narration. Beaucoup de choses se sont précisées au fil de l’écriture, bien des personnages sont apparus… Et régulièrement j’utilise des consignes de l’atelier comme pistes pour développer mon récit.

9 commentaires à propos de “Traverser la rivière”

  1. Beaucoup de sensations bien nommées, à l’approche, et pendant, et c’est très beau de finir par l’eau s’éclaircit en allant mouiller la rive.

  2. l’entre-deux, j’imagine l’estuaire… et tout ce qui s’y passe ou peut s’y passer. ça fait écho. comme une parenthèse, un souffle émis à la surface de l’eau. en attente de la suite avec impatience

    • Nageant vers le confluent, je pense souvent à l’estuaire où les eaux du fleuve vont se mêler à l’océan et j’y ai pensé aussi en écrivant ces lignes… Merci Dominique.

  3. La langue est précise et fluide, les images sont belles. Dès que je peux, je cherche les confluents, et je m’arrête pour regarder les eau se mêler. Ces lieux-mouvements participent du sacré de l’univers.

    • C’est fascinant l’emmêlement des eaux, rivière, fleuve, océan et parfois les eaux ne se mélangent que difficilement. Merci Laure pour votre visite