Entrer dans cette opacité cette strate inconnue où elle s’est retirée avancer sur un fil d’incertitude ne pas perdre pied espérer un sourire elle est dans son fauteuil roulant assoupie dans ses songes libérée ou emmurée hésitation sur le seuil à franchir le fossé laisser mes lèvres sourire buter sur l’odeur de renfermé tout est pénombre et silence n’être que regard la lumière à peine au bas de la fenêtre prendre une chaise sans bruit ne pas la réveiller ses mains abandonnées la tête penchée vers le sol la mort lente s’habituer à cette obscurité éphéméride à jour photos dans les cadres grand poster aux tons chauds un petit coin d’Italie le ras d’un sol rouge sous un grand seuil de ciel huile d’amande douce sur la table de nuit lecteur de CD sur le bureau le journal du jour bien plié un verre une carafe des voix feutrées dans le couloir rester dans l’attente tic-tac de l’heure insupportable vieillir mourir on le sait effleurer sa main les larmes montent le cœur en deux l’ombre creuse attente qui n ’en finit pas un coup sec sur la porte un tablier rose dépose un gâteau l’heure du goûter comme pour les enfants elle relève la tête de quelle nuit revient-elle regard vide puis sourire qui se dessine baiser sur le front nos mains qui s’enserrent sait-elle qui je suis la blouse rose évaporée nous deux dans une bulle de temps des mots dire des mots faire comme si questions et réponses raconter des riens la faire sourire insérer son disque préféré écouter Carmen jusqu’à la nausée songer à partir regarder l’heure accorder encore dix minutes attendre et fuir dire demain peut-être refermer la porte elle reste derrière le visage qui s’affaisse prendre une respiration traverser les couloirs retrouver le dehors
magnifique tranche de vie!
Superbe ! Vécu similaire… avec ma Maman, encore très frais…
Merci, Solange, C’est triste et si vrai, et si beau aussi, chercher ce qu’on va dire, et comment elle l’entendra, et comme ça nous travaille.