heure entre 3H45 et 5H15 réveil spontané et de s’y mettre une demi heure plus tard ( nuit d’avant l’aube toujours quand tout peut commencer) et si c’est 6H15 y aller sans remords
seule ne croiser personne – ni vue – ni entendue – ne pas entendre un mot de vivant – descendre
crayon: un mot une phrase noter peut-être mais pas si souvent- prendre aux papiers recyclés du sac et noter peut-être un mot une phrase
toc appuyer sur le bouton du petit poste noir: voix de France Culture: tiens mémé qui joue Rosine du mariage; tiens les sœurs Papin qui jettent l’œil dans l’escalier; tiens Gaston B. qui « intuitionne » l’instant ou M.D. qui fait la cour au président… pas de direct ni d’information du jour: heureusement c’est pas l’heure…( dans le poste c’est encore l’heure des fantômes qui s’entendent d’une oreille quand l’œil gauche attrape un bout de nuit au carreau, attraper une phrase un mot de fantôme… )
dévorer pas sans manger ni boire et nourrir la chatte, humer l’air et jeter des restes de la veille aux pies qui viendront plus tard
lieu/choses: monter un étage entrer refermer (ou pas) la porte du bureau à soi (t’as une pièce à soi trop de chance ) devant soi une fenêtre au rideau tiré sentir nuit/jour sans voir; à droite une lampe de chevet montée par soi même avec un abat jour en accordéon, lueur d’ampoule chaude; une autre fenêtre sans rideau: voir subrepticement la nuit ne nuit pas, puis le jour (après trois heures quand on a les os des fesses en alerte rouge voir les boutons de roses qui lèvent avec le jour)
livres un peu partout dans la pièce des ivres. Dans le dos à épaule droite se trouve le rayonnage préféré: de poésie sur six étagères (ikea 1992 d’une largeur de un mètre) présence rassurante des livres, désordre de papier.
table/chaise : une porte de placard sur tréteau (180/70 environ) le placage se hérisse, le rebord accroche le pull. écrire sur un ordinateur mac book air 2014 mémoire 4 go, un mug à crayons et ciseaux. Chaise pliante avec oreiller.
durée : entre 2H45 et 3H15 de travail – être là – s’y mettre est rarement une corvée – être là les bons jours, être là aussi les jours pas – y être – le corsé vient plus tard quand on fait retour. Là s’ouvre l’œil scrutateur, et se souvenir de Bram Van Velde cité par Juliet rapportant les mots de Beckett à son adresse, ce jour où il lui dit qu’il est « un peu content de sa toile » et que l’autre répond qu’il n’ y a pas de quoi ( se réjouir); en général se méfier d’être content
taper: deux doigts majeur à gauche index à droite, avancer écrire le premier jet d’un premier bloc, vite relire, corriger (chercher un mot, mots, mots encore et synonymes Crntl – magie des synonymes : cueillir, humer, se laisser happer, tomber dans le panneau du mot rare (savoir qu’on va le jeter plus tard) ; se méfier des mots enjôleurs mais laisser trainer sur la page écran des choses qu’on sait ne pas devoir rester, laisser la matière ( indigeste) prendre sa place… laisser grossir pour évider, jeter – Attendre la juste distance (au texte qui s’écrit) – Patience. Revenir, reprendre, ponctuer. Passer en pdf pour la prise de distance, revenir en word, actualiser revoir en pdf . Passer en orange délavé illisible des parties en sursis- laisser en jachère. Plus tard imprimer. Repousser le moment fatal de relire sur papier, attendre cet autre jour (plus tard et pas le matin plutôt vers le début de la journée ) et quand on marche, l’avoir en tête – y penser ou pas.
être surprise comme croiser son visage à l’improviste dans un miroir: « je viens de croiser un gros moujik dans l’escalier m’avait dit B en remontant des lavabos du théâtre, et le moujik c’était moi », m’avait-il dit. Débusquer la « grosse moujik » du texte… le retourner vers le miroir comme on le fait du tableau pour faire surgir le déséquilibre de la composition…
surprendre envoyer le pdf du texte en cours sur son téléphone -comme s’il venait de quelqu’un – s’arranger pour le lire dans un train un peu avant d’arriver à destination donc plutôt dans l’urgence- le découvrir en petit sur l’écran prendre sans pouvoir y changer un mot – réparer le texte dans sa tête sans crayon ni papier ni clavier
recherches la plupart du temps c’est pendant (et surtout après) que la documentation s’impose. Les questions arrivent en écrivant (le pendre puis s’interroger sur les différentes matières de cordes préciser la matière, affiner les détails puis les intégrer ou pas au texte) (passer un moment avec: uen corde, avec: fauteuil, avec: comment ça tombe un plafond… avec la guerre avec: mouche…— La recherche sur l’ordinateur cadeau piège – gouffre). Pas de projets apriori : un mot, une image, une phrase en déclencheur d’écriture: un fauteuil a pris un plafond sur la tête… bleu cendre… Marcel... ce crâne ramassé rue des Martyrs…
grâce (état de): les aubes aux doigts roses… les accélérations en apesanteur ça arrive (parfois) quand on a pas lâché l’affaire… The Readiness is All
moment pas encore. pas tout de suite. pas… laisser (non pas en plan) laisser en pause. arrêt.
processus une organicité qui procède autant de la croissance que du démantèlement et de l’à rebours » – écrire de droite à gauche avancer en crabe
métamorphose se rêver poulpe pour survivre aux grands fonds
bruit: soudain les automobiles- la rue soudain- les cartables- tiens les roses en boutons à la fenêtre de droite c’est le signal de la pause
descendre: café cafetière à poussoir
vie matérielle faire une chose très concrète éplucher couper cuire balayer en laissant le vent bousculer le tas des poussières
grappiller glaner : lire des pages – ouvrir des livres – noter une phrase – relire dans le carnet des phrases …ouvrir aimer la grammaire…revenir faire une recherche dans l’ordinateur… ouvrir un dictionnaire pour vérifier que le mot glauque veut dire vert pâle tirant sur le bleu comme Toussaint l’a écrit
les lieux changent (travail-vacances ) l'heure reste invariable celle de la nuit d'avant l'aube (toujours trop de désordre sur la table du lieu principal c'est ainsi) et sur les tables provisoires des bureaux provisoire le calme du vide ... en faisant l'exercice on se trouve très illégitime, à ce stade de son rapport à l'écriture même si s'interroger sur sa façon de s'y mettre fait avancer ( est-ce que ça doit intéresser les autres ? l'idéal serait peut-être que ce texte s'autodétruise dans les 48H) j'ai connu une peintre qui me disait qu'il fallait aussi regarder comment on cuit un oeuf sous entendu que jusque dans les choses en apparence les plus anodines on apprenait de soi au travail ( à part cela lire comment les autres font c'est assez instructif )
Oui oui très très instructif dans le sens où ton texte produit des cadres (du sens? des sens? des validations?) à mes esquives honteuses et secrètes (toujours trouver le moyen de ne pas écrire). L’écho est puissant. Merci
merci Lisa!
mais bien sûr que ça intéresse les autres, moi en particulier.
C’est drôle, je t’imagine écrivant dans le froid d’un grenier… et je me dis « quel courage, elle a »
Merci Daniele ( je porte trois pulls) même si j’adore ce poème ( mon bureau est au premièr et je n’ai pas de grenier) : En ce temps-là le charbon
était devenu aussi précieux
et rare que des pépites d’or
et j’écrivais dans un grenier
où la neige, en tombant par
les fentes du toit, devenait
bleue.
(Pierre Reverdy)
Tout à fait ça, même si je ne connaissais pas le poème.
Merci Nathalie Holt de n’avoir pas auto détruit ce texte. Tout ce qu’il dit de vos conditions et de vos exigences ne nous livre pas le secret de la force de vos écritures. Mais il nous ouvre des portes intimes,généreuses, par lesquelles nous pouvons par moments avoir espoir de nous entrevoir nous mêmes.
Pour le dire autrement, oui dire comment s’y mettre est une générosité qui importe parce que nous sommes tous « très illégitimes » quand il s’agit de passer à l’acte d’écrire.
Merci Nathalie Holt pour ce partage.
Merci Ugo
J’aime beaucoup cette idée de l’entrée type dictionnaire, on voit le texte autrement , »en général se méfier d’être content », c’est très juste, mais en même temps il y a tellement peu de fois où on peut être content et il y a tellement de mécontent. Tu es peut être contente de ton texte, bravo.
Merci Laurent
(simplement contente de l’avoir tenté ce texte, après si je relis c’est une autre affaire)
Dire si précisément et avec tellement de délicatesse. Me laisse rêveuse/envieuse.
merci beaucoup Louise
de Bram Van Velde cité par Juliet rapportant les mots de Beckett à son adresse, ce jour où il lui dit qu’il est “un peu content de sa toile” et que l’autre répond qu’il n’ y a pas de quoi – que de grands noms -puis de toi à nous (on se réjouit,oui) mais pas de musique? tiens… (quatre heures moins le quart, ça fait tôt quand même…:°)) (merci hein)
Merci Piero d’être Passé lire … de la musique beaucoup cependant jamais en écrivant… en travaillant les photos par exemple. Hier entendu en vrai les métamorphoses de Strauss, celles nocturnes de Ligeti ( à part ça faire de la scénographie d’opéra me manque follement)