Temps d’écritures comme je marche. Rapides, secs et urgents, dans le trop peu de désoccupation laissé – je penses n’avoir jamais écrit plus de trente minutes d’affilée – penser souvent que si on avait le temps on écrirait plus, et se dire souvent qu’en fait, peut-être que non
Pas de régularité, pas de moment (surtout pas le matin tôt, laissez-moi dormir !) – même si une plage de vacance s’ouvre sur le vendredi depuis un an
Le bureau est un salon ouvert à tous les vents, très haut, avec vue sur une terrasse puis sur la ville puis sur la mer / si je regarde trop je n’écris pas
Le bureau n’en est pas un
Le bureau est un ordinateur posé sur les genoux du corps assis sur le fauteuil noir et bois, face à la baie vitrée – il y a bien une table basse mais on n’y écrit pas, le geste de l’écriture est celui de rapprocher l’ordinateur de soi
Tentative de bureau dans l’atelier de céramique les vendredis– endroit froid, blanc, haut en plafond, pleins de sacs de terre, de pots terminés ou en attente de cuisson, de petits ustensiles sales dans des pots de yaourt, d’odeurs de chauffage au pétrole et d’émail cuit – on y va comme on part voyager dans le grand nord (beaucoup trop de sac et surtout de bonnes chaussettes)
La carte géographique de l’écriture est fantasmée, plus je voyage moins j’écris
Le déclencheur est toujours une phrase qui vient d’un coup, mais qui vient surement de loin
Le seul rituel / déclencheur que je connaisse c’est de suivre un atelier pour s’obliger à ouvrir des temps d’écriture et peut être aussi regarder des films avant de dormir/
Les manies sont des empêchements, (des choses qu’il faudrait apprendre à s’empêcher pour laisser la place à l’écriture ?) : ne pas mettre la radio, ne pas se poser sur la terrasse face à la vue, ne pas profiter du peu de temps libre pour prendre rendez-vous chez le médecin, payer les impôts, faire des courses, parler à des gens par téléphone, faire la vaisselle et tout le reste
Je marche comme j’écris ; rapide et sec, entre l’appartement et le tramway entre le tramway et le travail entre le travail et le tramway entre le tramway et le bord de mer, entre le bord de mer et le tramway entre le tramway et l’appartement.
Le samedi répit, de vraies marches qui grimpent, qui s’allongent et s’étendent loin de la ville, mais qui ne semblent pas remuer de l’écriture, juste servir à effacer les traces de la semaine dans la tête, dilution de leurs visages et de leurs mots, de tout ce qu’il faut, place au silence
Merci Line, je sens que je vais me régaler à lire cette série Transversale. Deux textes lus et déjà je suis conquise par ce qui s’y partage (et je suis rassurée un peu aussi)
Comme Rebecca, je viens de découvrir deux superbes textes. J’ai dit que je me retrouvais dans l’autre, mais me retrouve dans celui-ci aussi. Oui, la vue, la grasse matinée, tous les détours pour ne pas. Merci, Line !
Merci pour ce témoignage d’une écriture qui voudrait mais que tout empêche.
Merci Rebecca, Helena et Danièle pour votre passage et oui quelle richesse de lire tous ces petites rituels, surprise de se découvrir au détour du texte d’un autre