I Où l’on verra comment Oly essaye de devenir poète
Oly a toujours lu, toujours voulu écrire sans savoir par quel bout prendre la langue, sans savoir de quelles libertés user avec le beau langage, le langage institué, le langage reconnu, le langage littéraire. Elle a d’abord voulu donner une consistance à son propre personnage, déterminer des contours, inscrire une identité. Elle a tenté de reconnaître sa figure dans plusieurs miroirs, sans succès. Sous la menace d’une disparition complète, elle a quand même essayé (quand elle a cru pouvoir prendre forme par les mots).
II Où l’on trouvera la réponse à la question cruciale : « être poétesse, est-ce que c’est possible ? »
Oly est une femme et en poésie la femme c’est la muse. Après avoir démonté la muse, après lui avoir mis une barbe, elle a attrapé sa plus belle plume, forcément, pour mieux prendre le sens interdit. D’autres circulaient déjà à contresens, ça aide bien.
III Où l’on verra que la vie de poétesse est semée d’embûches et pas de tout repos.
Le premier danger en poésie, on le connaît bien, c’est le beau, et c’est sans doute le seul vrai danger. Il faut aller à l’os, ne pas se laisser charmer par la chair. Et des mots justes toujours saisir l’audace.
IV Où l’on verra Oly se tirer de deux mauvais pas.
Oly a longtemps cru que pour écrire de la poésie il fallait être poète (ou poétesse). C’était la première erreur, celle qui empêche de créer justement. Il n’est pas encore sûr qu’elle soit bien tirée de ce faux pas là. La seconde erreur consiste à se laisser envahir par le poids des prédécesseurs. On peut passer son temps à regarder la langue fuir, à laisser échapper le réel sans jamais le saisir.
V Oly et la difficile question du réel.
Il a fallu remplacer la question du « comment dire ? », très intimidante et imposante, par la question du « quoi dire ? » Mais il a fallu d’abord évacuer celle de l’imagination et poser la question du réel, énorme, gigantesque, jusque-là laissé de côté, comme s’il n’existait pas. Il a fallu arrêter de le considérer comme cette chose informe dans laquelle le moi se dissout. Il a fallu y croire, croire en sa capacité d’écho, de résonance, croire en sa puissance d’évocation. Pour mieux y croire, Oly a pensé ajouter un « H » à son nom : Holy. Elle voulait renouer avec la vieille idée du pouvoir occulte de la poésie. Mais entrer en mysticisme poétique, flotter au-dessus du monde, c’était prendre le risque de ne rien voir, de crever la langue, de se détourner des choses. Il s’agissait au contraire de s’engouffrer complétement dans le réel, de se noyer là-dedans, de s’enfoncer jusqu’à la gorge dans son épaisseur. Depuis, Oly se débat toujours, elle hésite parfois pour le « H » mais elle a bon espoir de glisser un jour sur les mots et de ne plus pouvoir s’arrêter.