Une autrice. Elle revient au pays et au village de ses parents. Elle est née loin d’ici. Ils ne lui ont jamais rien raconté. Elle retrouve des tombes dans un vieux cimetière. Près la rivière, elle rencontre le fantôme du jeune homme qui aurait dû être son oncle.
Écrire, depuis le dedans de sa tête, quand elle prend la route pour revenir au pays perdu. La voix intérieure de ses pensées. Son errance de la grande ville vers le vieux village mangé par les grands bois.
Écrire au « je » le journal de son retour au pays perdu. Je reviens. Je reviens pour la première fois depuis de très lointaines vacances. Je reviens pour vider, mettre en vente. Ce besoin de noter. Noter pour garder mémoire. Mémoire de ce qui va disparaître, de ce qui va partir avec la benne déposée dans la cour. Mémoire de celles et ceux que l’oubli va ensevelir pour la seconde fois, avec leurs traces que je jette. Et puis raconter, raconter cette culpabilité qui va s’insinuer en toi et faire se matérialiser le fantôme. Et puis raconter tout ce que ton enquête va t’apprendre sur eux et sur lui. Tu vas rester bien plus longtemps que prévu.
Écrire monologue d’elle avec le fantôme de son ancêtre. Lui est là, écoute mais ne répond pas. Je sais. Je sais que tu es là. Je te vois et je sais que tu m’entends. Tu dois te demander pourquoi ? Pourquoi seulement maintenant ?
Écrire l’inventaire détaillé de tous les biens comme établi par un professionnel en vue d’une succession et/ou d’une vente. Garage : une Citroën Visa bordeaux métallisée, 1.2 l essence, numéro châssis VF7VDVR0000VR1942 ; cinq paniers en osier fait main ; une caisse à outils rouillée et garnie de…
Écrire la transcription simple des entretiens qu’elle mène avec celles et ceux qui ont côtoyé ses proches. Oui, oui, bien connu votre père avant que, enfin…
Écrire la transcription des deux petits agendas toilés découverts dans une valise : le temps des saisons, les récoltes, les comptes, les activités notables du jour et parfois, l’irruption de l’Histoire.
Écrire les légendes des photos qu’elle prend au pays perdu : paysages, ruines, objets…
Écrire les légendes des photos ou cartes postales trouvées elles aussi dans la valise et qu’elle retient pour illustrer son livre.
Écrire sur la reproduction de la carte IGN au 1/25 000e, les noms des lieux familiaux. Préciser leur localisation par des flèches. Les relier aux photos.
Écrire un descriptif rapide de tous les textes qu’on va retrouver dans son livre et qu’il va falloir écrire.
Écrire la liste des chapitres et des titres possibles.
Écrire les textes qu’elle va partager sur son blog et ses réseaux sociaux pour donner de la visibilité à son livre. Ne pas oublier les commentaires qui lui sont adressés en retour.
Écrire le texte de la lettre de présentation qu’elle joint à son manuscrit pour les éditeurs. Ne pas oublier les lettres de refus qui lui sont adressées en retour.
Écrire le texte de la lettre qu’elle glisse dans une vieille boite à gâteaux en fer blanc avec, sur une clé USB, tous les textes qui précèdent. Elle prend soin d’enterrer le tout près du muret en ruine de la maison familiale des grands bois. Comme, trop rare souvenir, elle se souvient avoir vu faire pour son chat.
Écrire dans le style géocaching, le texte du message qu’elle poste sur ses réseaux sociaux et qui indique le lieu où est enfoui son travail.
Écrire le texte de l’article du journal local qui raconte comment sa voiture est retrouvée par un pêcheur, au fond d’un ravin, à la sortie des grands bois.
Écrire le texte du dialogue des retrouvailles entre les deux fantômes, près de la rivière.
Écrire le texte des notes préparatoires d’une documentariste qui souhaite réaliser un film sur ce retour d’elle aux grands bois.
Écrire avec les fantômes… Entendre ce qu’ils se disent au bord de la rivière. Et découvrir les images du film… j’aimerais bien