transversales #3 | la maison qui cloche

La maison n’a ni portes ni fenêtres, mais elle est habitée.

Existe-t-il une maison comme cela ? Pas vraiment.

https://jsbg.me/2014/04/05/oups-larchitecte-a-oublie-les-fenetres/
https://jsbg.me/2014/04/05/oups-larchitecte-a-oublie-les-fenetres/

Il est étrange d’avoir découvert cette maison dans le pays où je vis. Elle se situe à Leiria, dans le centre du Portugal. L’architecte qui l’a projetée aurait pensé aux châteaux médiévaux. C’est intéressant, car en imaginant cette histoire j’ai vu cette maison à la campagne, sur une colline. Elle aurait été construite avec de gros blocs de pierres grises, le toit serait fait de tuiles grises.

A partir de ce moment, j’ai deux possibilités :

  1. Je décris cette histoire de l’extérieur. Ce fut ma première hypothèse, car l’autre m’a parue narrativement difficile.  
  2. Mais je peux inventer un narrateur omniscient qui s’introduirait à l’intérieur de la maison et décrirait ce qui s’y passe. L’histoire qu’il rapporterait dépendrait uniquement de son point de vue, elle serait présentée comme un fait accompli.

Développement de l’hypothèse 1 – Les faits

On sait que la maison est habitée car on entend du bruit venant de l’intérieur. Plus précisément des bruits de pas, des plaintes les nuits froides d’hiver et des éclats de rire les jours d’été. Cependant, si on essaye d’appeler les êtres qui y vivent, personne ne répond. On ne sait pas comment vivent ces étranges habitants, comment sont-ils entrés.  Ont-ils construit la maison à partir de l’intérieur, ont-ils barricadé les ouvertures après s’y être enfermés?  Sont-ils humains ? Que font-ils, comment passent-ils leurs journées ? Est-ce un châtiment ou une récompense ? On ne le sait pas. Mais on peut imaginer que la maison s’étend sous la terre, que dans ses fondations il existe un labyrinthe de rues et de passages cachant des trésors et d’autres merveilles jamais vues au grand jour. Et si, en fait, cette maison étrange était la maison du paradis ? On essaya, de l’extérieur des choses normales, de perforer les gros murs de la maison. On monta sur le toit, dans l’espoir d’y trouver une improbable cheminée, une ouverture dans les tuiles compactes. Toutes ces tentatives n’ont rien donné. Aucune réponse plausible. La maison ne semble révéler aucun de ses secrets.  

Spéculations à partir de l’hypothèse 1

Depuis quand est-elle là ?

Les plus âgés affirment que depuis toujours.

Les photos anciennes et autres documents cartographiques attestent sa présence. Ses gros murs de granit ne semblent pas avoir souffert avec le temps, l’érosion, les guerres. Elle parait être indestructible.

Ce sont les bruits et les voix détectés à l’intérieur qui ont réavivé la curiosité à son égard. Pèlerinages, visites, études (détecteurs de toute sorte). Chacun a émis sa théorie :

Une secte y demeure.

Les voix n’appartiennent pas au présent, arrivent d’un passé lointain.

Des linguistes, des prophètes ont essayé de traduire le sens des manifestations sonores venues de l’intérieur de la maison.

On croit que la maison peut apaiser les douleurs et les peines.

Singulièrement, personne n’a pensé à des fantômes.  

La curiosité augmentant, on peut commencer à creuser le sol autour de la maison pour découvrir ce qu’il y a en-dessous, comme les enfants qui creusent la terre autour des trous de fourmis afin de découvrir leurs galeries souterraines.

On pourrait aussi supposer qu’une seule personne arrive à communiquer avec les êtres qui habitant la maison. Mais ce il ou elle ne le dirait à personne, pour diverses raisons. L’une de ces raisons pourrait être qu’il ou elle ne sait pas qu’il y a en fait communication. Compliqué ?

On pourrait aussi penser qu’à mesure que toutes ces démarches prennent de plus en plus d’ampleur, les bruits à l’intérieur de la maison s’affaiblissent jusqu´à disparaître complétement. Cela serait pour cette raison que la maison est complètement muette et silencieuse pendant de larges périodes. Retombée dans l’oubli. Une aberration dans le paysage.

A propos de Helena Barroso

Je vis à Lisbonne, mais il est peut-être temps de partir à nouveau et d'aller découvrir d'autres parages. Je suis professeure depuis près de trente ans, si bien que je commence à penser qu'autre chose serait une bonne chose à faire. Je peux dire que déménagement me définirait plutôt bien.

13 commentaires à propos de “transversales #3 | la maison qui cloche”

    • Merci infiniment, Ugo, pour ce documentaire fabuleux qui explore pratiquement toutes les architectures impossibles. Cela m’a donné plein d’idées : les ruines (toute construction va vers sa destruction), les architectures malveillantes, et aussi l’idée d’être la victime d’une architecture que l’on ne comprend pas.
      Merci encore !

  1. (on attend le développement 2) (pour le un, ton développement est assez positif (comme on dit aujourd’hui) cependant si tout va bien et si ça se passe sur terre, chez les humains je veux dire, il y a certainement un abruti (plutôt qu’une, bizarrement, j’ai l’impression) qui préconisera de tout foutre en l’air) (c’est le cas de le dire) (s’il est élu) (ou s’il prend le pouvoir de le faire – car notre pouvoir de destruction est immense, croyons-nous…) (en tout cas bravo !)

    • Oui, Piero, je vais continuer mes explorations. En fait, en te lisant, je me rends compte que je suis peut-être en train de décrire un possible atelier d’écriture. Merci pour tes précieux commentaires !

  2. J’ai voulu la même maison en voyant les photos mais finalement je ne la veux plus après avoir lu tes écrits magnifiques qui dessinent une étrangeté, du suspense, et pleins d’évènements bizarres, dedans, dehors. Je te laisse…même si je la trouve extraordinaire ! Bises Héléna.

  3. Merci, Clarence ! Cette maison m’intrigue aussi, et depuis longtemps. Parfois je lui enlève quelques pierres pour voir ce qui s’y passe et aussi ce qu’elle vaut. Comme une histoire que je voudrais un jour arriver à terminer. Et merci aussi pour ton excellente intervention lors
    de l’un des zooms qui a donné lieu à ces exercices/tentatives qui pour moi sont vraiment précieux.