Vols, meurtres, enlèvements, attentats, les trente-deux crimes qui furent commis entre le mois de février 2013 et le mois d’octobre 2015 n’ont a priori rien de commun. A un seul détail près : ils advinrent tous le 20 de chaque mois. Personne n’aurait pu relever cette coïncidence qui n’en était pas une. Personne, à l’exception des six fondateurs du groupe dit des ravisseurs qui instituèrent et définirent une « nouvelle approche du crime » à partir du printemps de l’année 2012.
Personne jusqu’ici n’a fait des œuvres dans le même genre que les nôtres. Nous sommes — s’accordèrent à écrire les fondateurs de cette terrible association de malfaiteurs — un groupe d’artistes qui faisons des œuvres avec des crimes. Nous avons pris conscience de notre singularité collective.
Cette déclaration constitutive du groupe criminel fut rédigée à Milan en mai 2012 et signée par six hommes. Ils furent rejoints le mois suivant à Paris par une femme et quatre autres hommes.
La série d’actes criminels qui débuta le 20 février 2013 par le tragique incendie d’une discothèque dans le sud-est de la France est l’œuvre de cette faction de onze individus. Elle s’acheva au Canada, dans la province de Québec, le 20 octobre 2015 par une tentative d’attentat visant la traditionnelle marche des Zombies de Montréal. L’engin explosif qui avait été dissimulé dans une poubelle métallique de la populaire place des Festivals fut découvert et neutralisé par les agents de la Sécurité publique quelques heures avant le rassemblement des participants de la Zombie walk. L’échec de cette dernière opération marqua la fin de cette démentielle entreprise criminelle. Dans les jours qui suivirent le revers canadien, le groupe dit des ravisseurs décida de se dissoudre. Les onze membres de la faction Ravisor – ainsi qu’ils s’étaient eux-mêmes nommés dès mai 2012 – se réunirent une dernière fois à cette fin. Leur ultime rencontre eut lieu dans le sud de la Corse dans l’un des plus prestigieux hôtels de la côte est. Ils y séjournèrent trois nuits. Ils se séparèrent le samedi 31 octobre et n’eurent plus aucun contact. Aucun d’eux ne fut jamais inquiété pour les trente-deux sinistres œuvres et les dizaines de morts que leur singularité collective avait intentionnellement et méthodiquement engendrées durant quarante mois.
— Non, mais c’est quoi ce délire ? C’est n’importe quoi. Ils nous écrivent des romans maintenant au sixième étage. Tu as lu ce truc ? C’est complétement dingue !
— Calme-toi mon p’tit gars. Tu vas en avoir pour des mois de boulot sur cette histoire. C’est du lourd et c’est prioritaire.
— Tu plaisante ? On vient tout juste de boucler les déclassifications de l’année prochaine.
— Justement, va falloir en remettre une couche. Je t’ai tout préparé. Tout est dans le serveur. Il y a une tonne de documents à ta disposition. Tu vas pouvoir t’éclater, c’est sûr. Moi, je viens de passer plus de trois semaines déjà, rien que pour t’organiser ce merdier.
— T’es sur ce truc depuis trois semaines et tu ne m’en as rien dit. Merci, vieux. C’est beau la confiance. J’aurai pu m’organiser. Je sais pas, moi… Prévoir le coup…
— C’est les ordres, coco. J’obéis, moi. C’est tout. Tu connais la musique comme moi. Pilotage, compartiment, calendrier à respecter.
Depuis six ans qu’il travaillait au sein de la cellule « post » de ce département qui n’avait aucune appellation officielle dans le complexe organigramme des services, Xavier Lestrade avait l’habitude des urgences, des imprévus, des priorités.
Eléments de langage à distiller pour accréditer la déclassification
Les différents documents qui suivent sont classés de manière chronologique, exclusivement selon la date de leur publication officielle ou non. Le seul critère retenu pour leur indexation est la date à partir de laquelle ces documents ont été accessibles suite à leur publication légale, à leur déclassification ou à leur divulgation. La collecte de ces différents documents est le résultat d’un patient travail de plusieurs années entrepris à partir de la première décennie du XXI eme siècle par une équipe de chercheurs dont seul l’anonymat garantit encore de nos jours la sécurité.
Sur l’émergence des documents, jeter le doute sur leur origine peut être également un trouble utile à ne pas négliger.
Après les invraisemblables brèches qu’ouvrirent de courageux lanceurs d’alerte anglo-saxons dans les systèmes de renseignements américains, la tendance s’amplifia en Europe avec la divulgation de nombreux documents confidentiels. En Italie d’abord, puis également en France, cette propension au déballage de données destinées à rester secrètes n’eut de gros impacts médiatiques que dans un nombre limité de domaines. Paradoxalement en effet la trop grande quantité de documents rendus publics fut telle qu’elle rendait impossible les indispensables traitements que les contenus de ces documents exigeaient. Trop d’informations tuent l’information. Certains, à ce stade, se demandaient même si, pour les services de renseignements mis en cause, la meilleure manière de se protéger ne consistait pas justement à ajouter des données aux données, histoire de noyer les recherches sous une avalanche telle que celles-ci soient rendues irréalisables.
« C’est seulement dans l’imagination des hommes que toute vérité trouve une vie indéniable et réelle »
Joseph Conrad A personnal record. Some reminiscences (1912)
formidable (si tu ajoutes deux autres ravisors aux précédents – la sous représentation féminine, patente, est parfaitement crédible – tu obtiens une « Histoire des Treize » (le titre a déjà été emprunté par une de tes précédentes sources) du meilleur aloi) (bon courage pour le défrichage déchiffrage…) (à titre indicatif, purement personnel qui plus est, c’est dans la nuit du 30 au 31 octobre 2015 – soirée de veille de tous les saints – qu’a eu lieu l’incendie de mon appartement, détruisant un certain nombre de preuves, et resté sans véritable cause ni, encore moins, explication – les sapeurs-pompiers n’ont rien voulu divulguer de leurs hypothèses, conclusions et rapports)
( éléments de langage à distiller pour accréditer la déclassification – jeter le doute – écrire des romans au sixième étage … ) terriblement impressionnant tout ça. Elle brûle cette matière à « scripter »
Merci Piero Cohen-Hadria, Merci Nathalie Holt. Comme vous vous en doutez, il est impossible d’en dire plus. Pas de problème pour aller fouiller dans les papiers fondateurs du fantastique social. Mettre les « treize » à table sans superstition, oui. Accepter Todorov, tenter de s’y tenir. Sans aller plus loin. Pas plus loin. Pas question de prendre le risque d’aller dénoncer de « nouveaux réalistes ». Déjà trop dit.
Vraiment impressionné. Tant de détails sont posés sur la table, tant de fils à tirer, tant d’explosions possibles.