quoi qu’il en soit, ça commence toujours par une chanson, ça n’a pas plus d’importance que ça (ça n’prévient pas/ça arrive) – toujours la même (il y a eu, il y a quelques temps, peut-être était-ce un vase communicant – avec ana nb – oui – quelque chose de Moondog – avant hier, dans le poste vers cinq heures et plus un ex-enquêtrice en parlait – l’aveuglement, oui) (non c’était dimanche – était-ce dimanche vraiment ? tu sais le dimanche, depuis toujours j’ai l’impression de l’employer au travail – il y a quelques temps ça s’est tari) il y a une version longue de cette musique (arctic ocean) (c’était à un autre moment, où tu travaillais sur ce thème – quel thème ? le travail ? le dimanche ? non le parc – il y a longtemps, une grande salle pleine de vagues qui déferlaient sur les spectateur.es – et le bruit de l’eau) (celui de l’océan pas celui de la mer) – toujours la même histoire : celle du travail – comment se fait-il que plus personne ne m’appelle ? Suis-je à ce point disparu des radars ? de ces radars-là ? seulement me parvient la sonnerie des appels des malheureux qui par delà les mers écorchent mon nom (j’ai l’habitude) se présentent « Alain », « Audrey », et des accents qu’on reconnaît, du Sénégal ou du Bénin, du Maroc ou d’ailleurs (tu sais que je suis né sur le même continent qu’eux ?) qui proposent des offres inutilement rutilantes et obsédantes, des heures et des heures de connexion, additionnées de centaines de gigaoctets multipliés et augmentés des milliers de kilomètres de câbles dans le fond des océans – comment ça va le travail, au fait ? qu’est-ce que tu deviens ? je ne sais plus – est-ce que je mets une majuscule après un point d’interrogation ? est-ce que je sais s’il y a une règle pour ça ? Un code ? Une obligation ? non, je ne sais pas, je me dis « un point, après un point on met une majuscule » et me revient immédiatement le rouleau de zan avec en son milieu une petite bille de bonbon rouge ou bleue qu’on achetait au coin de Delpech et Camille Desmoulins (c’est dans ces cas-là que me vient l’idée toujours d’illustrer – je sais parfaitement où ça se trouve, j’y vais, je fais une capture d’écran, j’ouvre l’image je la découpe je la colorie, je la pose
) – tu sais pourquoi je me souviens si particulièrement des noms ? propres ? la France mon vieux – il y avait quelqu’un qui posait des « mon vieux » dans ses billets, je me souviens du Palatino, je me souviens des combinés en cachemire, ça a un nom mais je l’ai oublié* – elle en portait j’ai oublié* – tu crois ? je cherche je ne trouve pas, je me souviens de ses paroles sur le train qui allait en trois heures à Londres – les soldes et la garde robe du fils de Y. qu’on surnommait balou (ou alors Baloo ?) – probablement parce que son système pileux était abondant – la musique tourne doucement (après ce sera Pink Floyd) (on s’en fout ?) (pratiquement oui – ce pratiquement qui reste sur le bureau, avec ses coordonnées pour pouvoir le citer, pour pouvoir dire qu’on a lu en effet, qu’on s’en souvient – montrer sa culture pour dissimuler son inculture ? – les lacunes formidables de mon éducation, je n’écoutais pas en classe puis tout à coup j’y revenais – tu te souviens de l’obturateur ? collé sur le verre droit des lunettes qui ne corrigeaient rien ? tu te souviens du prof (l. sans majuscule – pourquoi sans majuscule ? s’il lit jamais ça, il en serait froissé – mais il est mort depuis longtemps, malheureux – il y en avait un autre mais qui n’était pas instituteur mais prof de sports mais le nom qui me vient est Topor (ce n’est pas ça) ou Topart (ce n’est pas ça non plus) (si ça vient de me revenir, T. oui) – un chien tout autant ? en relisant il faudra faire attention à bien enlever les gros mots, les grossièretés, les mots argotiques ou familiers (après, il y aurait à lister tout ça, les femmes aussi, et tout le bataclan des images des profs et autres – l’éducation ? quelque chose de nouveau, de la réalité du pays, quelque chose de différent) – faire bien attention pour faire quoi ? pour faire propre sur soi – pour quo faire ? – ceux qui réfèrent à la libido; au processus de la digestion, de l’accumulation des éléments propres à donner de l’énergie et de la vie à ces doigts et à ces yeux; le métabolisme et la métempsychose – des mots qui courent le long des lignes de la premiere page de Swann (ah oui, dece côté-là (tu t’amuses?) – dans le Calais-Vintimille avec arrêt dans un bled de banlieue, Valenton sans gare, marcher le long des voies – oui, le travail, la culture, les citations – non mais l’orthographe est pour moi comme l’écriture, quelque chose qu’on ne touche pas tant qu’on n’en connaît pas tous les rouages intimes – tu n’y touches pas donc ? – dans le garage, je démontais le petit moteur (on appelait ça des tasses à café) puis je le remontais – on mélangeait de l’huile de ricin au mélange déjà huileux) cet instituteur de septième qui te félicitait parce que tu avais travaillé vite ? malgré ton œil manquant dissimulé sous l’obturateur pour faire travailler le paresseux – le gauche ? – celui qui évitait le regard des autres peut-être – il me semble j’ai oublié – j’ai tout oublié je me souviens de tout – il me semble avoir oublié – pas celui de français-latin qui me félicitait aussi mais de n’avoir fait que cinq fautes, à quatre points la faute, ça faisait combien déjà ? bravo disait-il, tu t’es surpassé (tu ne l’as pas déjà écrit, ça ?) (il abrégeait mon nom) c’est un nom composé ou deux noms séparés ? – il tutoyait les élèves et pelotait les filles c’était en cinquième, tu imagines ça ? portait un costume trois pièces et une cravate une raie sur le côté de ses cheveux bruns et gominés, je le revois ici – je le revois d’autant plus qu’au mois de février alors que toute la classe était partie pour le ski (à Samoëns – attends ça existe, ça ? Samoëns ? faudrait aller voir) moi, non – travaille ton latin, ton orthographe, ton français – rapproche-toi et comprends – comprends les divers atouts de ce nouveau monde, de ce nouveau continent, cette nouvelle ville et ce nouveau climat – comprends – tous les jours pendant quatre semaines n’avoir à faire qu’à lui – j’ai fait des progrès (mais dans la détestation de lui, surtout – c’était bien entamé déjà – et de ses congénères) – c’est étrange comme c’en est arrivé là, pourquoi là ? Cette brisure, cette fêlure, ce clivage ? Cette ville, cette autre ville, puis cette autre ville encore ? Il n’y a pas si longtemps, je me souvenais à nouveau, de quoi, au juste ? Attends, je ne sais plus, mais si : de la mort, de la disparition, de cette fuite en avant, peut-être bien comme si tout cela avait toujours été naturel et normal, tout ce qu’il y a de plus normal – changer du tout au tout, elle avait trente quatre ans et lui trente sept (qui ça ?) (mes parents) – est-ce bien le moment pour tout changer et ne garder que quelques meubles ? De la vie d’avant ? Nous étions le jouet des événements (est-ce assez habilement formulé ?) Non, mais tu sais quoi ? souvent, très souvent, particulièrement toujours, j’ai le sentiment, ou l’impression intime de ne rien comprendre à rien – les gens parlent, oui, je les écoute, certainement, mais je ne comprends rien – rien ? – rien – pas ce qu’il faudrait entendre, je crois – et est-ce que c’est cette façon de ne pas comprendre qui te pousse à essayer quand même, par le souvenir et la remémorance ? (je l’aime bien, ce mot-là, je l’ai emprunté à une amie, bien qu’il n’appartienne à personne – n’appartiens jamais à personne disait le tatoué) alors après, n’est-il pas normal de se tourner vers les choses toutes faites comme les chansons pour apprendre à vivre ? N’est-il pas normal de les apprendre par cœur comme on disait (ça ne se dit plus) ? Et de s’en souvenir comme de légendes et de contes (ces livres blanc et or de la jeunesse) ? J’ai cette impression, parfois, en sifflotant quelque chose « moi je suis venu à pied » – mais il fait beau, cet après-midi, je vais aller marcher
- j’en suis revenu, et (c’est quoi cette façon de présenter ? j’en sais rien, je laisse) * c’est twin set – tu sais quoi ? c’est sans doute qu’ils (lui et elle) (elle et lui) c’est sans doute qu’ils sont toujours là (tu sais comme cette chanson qui disait « ce jour-là près de la source dieu sait ce que tu m’as dit » et puis avant ou après « comme les chansons qui meurent aussitôt qu’on les oublie ») (tu sais ? je me souviens, oui)
j'aurais dû mettre des italiques aux mots des chansons - ça aurait servi à quoi ? je ne suis pas certain de la réalité de cet exercice, qui laisse de côté tout le reste (mais c'est tout un) (n'est-ce pas tout un ?) - cette façon de se désintéresser du travail en cours - c'est une manière aussi d'oublier le travail qu'il y a à faire - il y a à faire (c'est dans "vivre" que ça pourrait aller - je me suis posé longtemps la question du style (cette façon de poser des parenthèses comme des tirets pour éviter de faire des phrases car les phrases ont quelque chose d'emmerdant (en codicille, on a le droit ?) (c'est ça, le style ?) (tu rigoles ?) (c'est comme l'espace qu'on pose avant le point d'interrogation - ou alors on n'en pose pas ?) (peut-être relever "emmerdant" et l'expliciter : la syntaxe, la grammaire, le dictionnaire sûrement) - la typographie - un peu comme la grammaire, la syntaxe et l'orthographe (je dois en oublier) il y a quelque chose qui ressuscite et il s'agit de la honte car il est honteux de ne pas maîtriser sa langue maternelle - tu te souviens ? dans la Dauphine rouge, en bas de l'avenue, ma mère et la sienne (ma grand-mère donc, tu suis oui ?) buvaient du café, vers une heure et demie, devant la maison louée pour le moment d'alors - ce premier semestre soixante, quarante à l'ombre - et elles parlaient, en arabe - j'ai encore le goût de ces mots, les gros surtout aussi, quand je passe sur le boulevard d'ici et que j'entends les épiciers ou les bouchers ou leurs client.es s'envoyer paître - tu vois, un peu comme en italien, j'ai pas mal la chanson mais les paroles, pas trop
« non mais l’orthographe est pour moi comme l’écriture, quelque chose qu’on ne touche pas tant qu’on n’en connaît pas tous les rouages intimes – tu n’y touches pas donc ? » ce truc qui mange la tête : tu n’as pas fait les études « ad hoc », que tu n’as pas examiné, éprouvé, digéré, les fameux rouages ; écrire malgré malgré tout ? écrire quand c’est trop tard. Ce matin Tombe la neige il doit faire 20 degré. C’est plein de voyages ton texte. Un rouleau de Zan et un Twin-set pour la route. ( remembrance j’aime bien aussi) Merci Piero
merci à toi Nathalie (à bientôt)
Je me plais à me promener sur les sentiers encombrés de tes pensées. Je te cache pas que je me prends parfois quelques branches qui me fouettent le visage au détour de phrases que je ne comprends pas (est-ce qu’on connaît l’essence des plantes qu’on se prend dans la figure quand on se promène ?) mais la balade est bien agréable.
« je me plais à me promener » me fait penser à cette chanson d’Aznavour (mais nous voilà en juin) (aucune intention de fouetter le lecteur cependant) merci de ta lecture
Quelle jolie musique un peu triste ! Et toujours cette impression (comme chez Modiano) qu’on ne vous mettra jamais tout à fait dans la confidence, qu’il fallait venir plus tôt, que vous arrivez trop tard et que tant pis pour vous
merci Danièle (c’est sans doute aussi qu’il faut que vous reveniez, plus tard – quelque chose du suspens je suppose)
l’obturateur… mince je n’avais jamais pensé à ce mots alors que je traîne des yeux paresseux dans pas mal de texte. Je ne sais pas si c’est de t’avoir vu récemment, mais je te lis comme du petit lait. Je vais la faire cette 06, tu me la camelotes bien. Merci Piero.
je ne camelotte guère cependant (jt’y mets deux t) (je vais aller lire ta 6 (oui,enfin sauf qu’elle y est pas encore…) mais merci d’être passée) (à bientôt à l’Avenue hein)
« sur les sentiers encombrés de tes pensées, dit-il, oui et ne pas se souvenir (en réponse aux questions qui ne me sont pas adressées) mais de toute façon la question suivante arrive, je rebondis et à la fin je crois, un peu, avoir saisi – et est-ce que cela a de l’importance si je n’ai pas saisi tout ? oui sans doute