transversale # 03 | son chapeau tout gelé était-il bien le chapeau de sa femme ?

Le chapeau à terre ne sait plus ce qu’il est, mais comment faire maintenant que je n’ai plus de tête où me poser , je suis fou ? je suis aveugle ? je n’existe plus ? Et mon étiquette ? Elle me dit made in China, vraiment ? Ça m’étonne. Impossible. Mais où est-elle ? Pourquoi me fuit – elle ? J’étais bien avec elle ? Je la faisais rire. Je suis devenu un clown triste ? Ils ne me voient plus, pantomime après l’autre rien n’y fait
«C’est rien qu’une histoire, j’peux pas m’en faire accroire
Mais des fois j’ai l’impression qu’c’est moi
Qui est assis sur la glace, les deux mains dans la face
Mon amour est partie puis j’m’ennuie
»
J’m’ennuie, là au milieu de la chaussée. Et ses cheveux où sont-ils ? Ceux qui tombaient en larmes le long de son dos? Elle me les posait tout le temps sur ma tête,
-Comme on pose une cerise sur le sommet du gâteau.
-Comme on pose un brin de basilic ou d’estragon sur une tomate
-Comme on pose citron et bergamote sur un romanesco
-Comme on pose de la sauge pour éloigner le médecin
-Comme on pose épices douces et subtiles sur simples pâtes.
«Cré-moé, cré-moé pas, quelque part en Alaska
Y a un phoque qui s’ennuie en maudit
Sa blonde est partie gagner sa vie
Dans un cirque aux États-Unis»

Ma femme, ma vie, ma cohérence est partie, je n’ai plus de mémoire. Une amnésie cruelle m’envahit, ma vie entière s’efface, c’est vrai mais tellement étrange. Je voudrais une rue de New-York, une rue sans nom, où je pourrais me relever, un tranquille jardin qui n’attendrait rien de moi.
Au lieu de couvrir sa tête, aurais-je cru couvrir la mienne en la lui prenant comme un chapeau? Ai-je perdu la tête au point de ne plus voir son visage, de ne plus la reconnaître ? Je suis devenu fou. Je suis «L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau »
Je ne l’ai pas mise à l’abri du danger, mon étiquette de clown avant tout ? Avant elle ? Mais si je ne suis plus clown, je ne suis plus moi et n’étant plus moi, je ne peux la mettre à l’abri ?
Elle chante. Elle pleure.
«Dis l’oiseau, o dis, emmène-moi
Retournons au pays d’autrefois
Comme avant, dans mes rêves d’enfant,
Pour cueillir en tremblant
Des étoiles, des étoiles. Comme avant, dans mes rêves d’enfant,
Comme avant, sur un nuage blanc,
Comme avant, allumer le soleil,
Être faiseur de pluie
Et faire des merveilles. L’aigle noir dans un bruissement d’ailes
Prit son vol pour regagner le ciel Quatre plumes, couleur de la nuit,
Une larme, ou peut-être un rubis
J’avais froid, il ne me restait rien
L’oiseau m’avait laissée
Seule avec mon chagrin»

Toi seule avec ton chagrin et moi seul avec le mien. Ce sera encore toute une histoire à venir.