Deux femmes traversent la rue de Rivoli (plus tard elles retourneront rive gauche en taxi) (il sera conduit par une femme) pour le moment elles vont chez une voyante qui avec son index droit tapera doucement trois fois sur une des lames choisies (j’ai le sentiment que ces images-là sont en couleurs) –
dans le poste il y avait cette chanson qu’interprétait pour Corinne (dite Cléo) Marchand quelqu’un (je retrouverai) intitulée “Sans toi” reprise lors d’un festival de Cannes (cinéma) par une Angèle (Van Laeken, elle est de 95) en robe blanche sans la moindre voix (on s’en fout à peine) – toujours eu le sentiment que Cléo attendait de savoir si elle était enceinte (comme le monde est fait) (plutôt un diagnostic oncologique) (le crabe) vers la fin (ça se termine à la Salpêtrière, là où TNPPI s’en est allée) le médecin arrive et s’en va en décapotable – il délivre son message et met les gaz –
(au cinéma parfois on voit sur l’écran quatre cœurs de couleurs et un “BONNE PROJECTION” inscrit là comme un souhait) – Cléo debout figée s’éloigne à grande vitesse de la caméra qui se trouve dans la voiture
il y a une ombre, un fantôme, une goule, quelque chose qu’on cache – même si on cherche à (se) la cacher, elle réapparaît – c’est là et ça ne partira jamais – partout des images – partout des portraits des gens (ou des lieux) qu’on aime sans les connaître (ici l’un d’eux
c’est certainement là et ça hante)
ou qu’on a aimés
là le pont au Change, au fond le Neuf – “quand le vent hurle au loup dessous le pont au Change » chante sur les mots d’Aragon Jean Ferrat) – la chanson est titrée Robert le Diable et parle de Robert Desnos – le poème c’est « Complainte de Robert le Diable« ) – ce disque doré, sur la pochette on voyait le visage du chanteur, écouté longtemps dans les années soixante-dix sur les moments de cette espèce de compréhension qui m’est arrivée avec la vérité sur mon propre corps – de mon propre passé et de ma propre présence, ici, hasardeuse – sur la gauche, la Conciergerie qui était alors une espèce de prison
– les années soixante et les souvenirs de TNPPI – vingt quatre heures enfermée là pour n’avoir pas payé ses impôts, dit la légende – nous autres les enfants nous étions dans le froid du nord, nous ne savions pas ce qui se tramait – il semble que mon père se soit occupé de la faire libérer – probablement en réunissant le nécessaire pour régler la dette, je suppose – auprès de L. et de F. peut-être: ça parait peu probable
– cette année-là, on écoutait « Vietnam se disait Indochine« , c’est sans doute dix ans après l’épisode précédent
celui qui dort là, qu’on ne voit pas vraiment, qu’on laissera mourir, celui-là, là
ce n’est qu’un humain qui sur un carton dort – en face de l’autre côté du trottoir, un bâtiment organisé par une architecte de renom à plusieurs dizaines millions d’euros – ça n’a pas non plus d’importance – Paris (ma) ville : au fond de la perspective, par là bas vers l’est, sur la colonne Bastille (trois glorieuses) en son faîte un génie d’or ailé comme Venise, son lion et les milliards de diamants de la lagune
au loin ce qu’on voit à peine, c’est le Japon
j’ai appris avant hier que le consul de France à Los Angelès d’alors (le même Gary) avait porté un jugement définitif (indiscutable on dit aujourd’hui) (ou incontestable) sur un de ces films qu’il fallait alors interdire – la censure ? mais quelle censure ? quelque chose dans ce genre – bizarre le titre du film s’est échappé (il a fait office de secrétaire d’état auprès du ministre de la communication si j’ai compris, un certain Gorse – à condition de lever l’interdiction de diffusion posée par Yvonne (de G.) sur le film “Suzanne Simonin, La Religieuse” (Jacques Rivette, 1967) –
le 30 août de l’année précédente (c’est sans rapport dira-t-il sur le mot qu’il laissera) on retrouvait son ex-épouse (Jean Dorothy Seberg) morte dans sa propre voiture et le seize (zeugme) une Renault me dit-on (il me semble qu’elle était blanche comme celle qu’on n’a jamais réussi à retrouver (peut-être parce qu’elle n’a jamais existé) qui passait en même temps que l’ex-princesse avec son amour milliardaire dans un sous-terrain parisien perdait la vie)
– je me souviens qu’elle et sa mère buvaient du café, il devait être une heure et demie, sur l’avenue (on vivait alors chez Djelouli et c’est donc début soixante), le soleil était déjà plein, on était en avril peut-être, elles étaient assises dans la Dauphine (je ne suis pas certain qu’elle ait été rouge), portes ouvertes de quoi pouvaient-elles bien parler ? en tout cas c’était en arabe
– cette histoire de voiture, la quatre L rouge garée dans la petite rue, entre celle des Boutiques Obscures (au 5, siège du parti communiste d’alors là-bas)
et la piazza del Gesù (au 46, se tient le siège de la Démocratie dite chrétienne) – un neuf mai – le coffre est fermé, on y avait entassé le corps d’Aldo, un peu plus tôt dans la matinée Mario lui avait demandé de s’allonger pour le cacher, dans ce coffre (ils étaient dans le garage, six heures du matin), il le couvrit d’une couverture et l’assassina de deux ou trois balles de revolver – souvent j’ai pensé qu’il aurait bien mieux fait de s’abstenir de suivre ce que lui indiquait cette discipline imbécile qui le tenait sur une espèce d’honneur, quand bien même la plupart des brigadistes (la plupart d’ailleurs emprisonné.es) eurent opté pour la mort du président
– drames assassinats tragédies erreurs
– il vaut mieux en rire, sans doute
certainement une autre image (merci pour le titre) (je l’ai compressé) (la voilà, par exemple) d’elle (ici avec PPP en taxi sur la lagune, ils vont au lido) plus celle où elle assène une gifle à un soldat allemand (Rome ville ouverte (RR, 1945) – la révolte ou la résistance : dans quelques minutes du film, elle courra derrière un camion qui emporte son amour, et sous les balles (la liberté ou la mort) (Francesco ! Francesco !!)
– la revoir, elle, c’est d’elle dont on ne fait que parler, assise sur son petit fauteuil qui venait de chez eux, là-bas, de l’autre côté de la mer, bois et paille, jambes un peu écartées, coudes aux genoux visage dans les mains perdue désespérée en pleurs
– à un autre moment dehors il fait moins dix, des congères fruits des caniveaux, un mètre de haut – sur le lit mon père en silence hurle ses coliques néphrétiques – dans la rue et la nuit j’attends la venue du médecin
– sans doute ce soir-là va-t-il arriver ce médecin-là, mais lui, je ne l’ai pas vu mourir
– sans le tragique, se souvenir d’un quinze septembre rentrée des classes plein soleil midi sur les marches qui vont au jardin, on est là et on rit, elle fume sa Gitane filtre, il arrive de l’usine pour déjeuner (à cette époque-là, il devient cadre sup et parle un anglais d’amerlok couramment avec un accent frenchi – il ne dit pas « yes » mais « yeah » en tombant vers le a)
non, rien (j'aime que ça ressemble de plus en plus à d'autres entrées d'ici - notamment celle-ci) construire élaborer rétablir mettre en page - ça ressemble à ces sur le bureau - tu sais je n'ai pas tellement le temps de lire les autres contributions - c'est égal puisqu'on les sait là - faire sa propre réclame, ça a quelque chose d'un peu nauséeux il me semble - je laisse
toujours cette exceptionnelle profusion chez toi
J’aime beaucoup ce pas de côté dès le début (par rapport à la consigne), et ces notes qui se reprennent, par creusement, croisement, ajout, bifurcation (tri, même), déport (et merci pour cette chanson surannée, « Sans toi ») — ça va de pas de côté en pas de côté (en crabe ?). Merci pour cette humanité floutée (comprimée ?), faut avoir l’œil quand même, et l’idée, et le courage, d’en parler, d’écrire avec. Merci.