Tout récrire, de mémoire, comme il fallut réassembler intégralement la Topolino démontée pour en connaître la moindre pièce avant le départ. Partir en voiture, le genou trop esquinté. Récrire ce voyage en pensant à ces feuilles du manuscrit jetées par maladresse et ignorance au fond d’une poubelle, là-bas. Se remémorer l’intensité des paysages et la qualité des rencontres en phrases ciselées, assis-là, à ce bureau.
Enfin, c’est le départ, en bateau, pour l’Europe, la littérature. L’aboutissement d’une longue quête et la promesse d’une résolution, d’un premier livre – New-York et les affres de la création enfermées dans ces pages.
Des mains. Beaucoup de mains. Des mains qui ramassent. Des mains qui attrapent. Des mains qui ratissent. des mains qui glanent. Des mains qui décrochent. Des mains qui grappillent. Des mains qui s’agitent. Des mains qui s’expliquent. Des mains qui sermonnent. Des mains qui s’exclament. Des mains qui s’indignent. Des mains qui s’esclaffent. Des mains qui filment d’autres mains.
Ne pas partir avant de renouer, de lui dire au revoir. Cela fait si longtemps qu’ils ne se sont pas vus. Le temps passe, la santé décline, tout comme le souvenir de la brouille. Alors, quitter l’Iowa pour le Wisconsin, sur une tondeuse tracteur, les jambes trop fragiles désormais. Et confier les bribes de son histoire personnelle au hasard des rencontres. Fragile mémorial. Mais on ne disparait jamais complètement.
Saisir sa chance et quitter ce trou une bonne fois pour toute. Saisir cette valise sur la plateforme du pickup à l’acier constellé de petits trous bien ronds ; tas de ferraille échoué au milieu de l’immensité herbeuse et vallonnée. Partir avec le pactole et rêver d’un ouest vital. “C’est quoi le plus gros que vous ayez perdu à pile ou face ?”
Un homme court dans un bois. Il s’arrête, haletant, marque une pause pour reprendre son souffle, la conscience assaillit d’images volatiles. Pensées et souvenirs se distendent et se ramifient en nombreuses réminiscences, se juxtaposent, s’entrecroisent, s’entremêlent et fusionnent dans un espace-temps unique et insécable. Où est-ce que cela commence ? Où est-ce que cela prend fin ? Qu’est-ce qui commence ? Qu’est-ce qui prend fin ?
Où il est question de fantômes. Où il est question d’une vie réinventée, coupée des racines qui entravaient, d’une réussite américaine. Où ce destin exemplaire, ironie du sort, est annulé par le mensonge qui le fit naître, cette impureté inavouable, et condamne l’homme à supporter l’opprobre. Déchaînée, la croisade aveugle et purificatrice de la mauvaise conscience collective est irrépressible.
Dans une ville allemande, une écrivaine française traduit une écrivaine anglaise. Chaque transcription suscite chez l’interprète une profonde méditation sur le temps, son emprise sur l’existence et la mémoire, sur l’absence. Où une maison désertée s’ensauvage, comme la nature et la faune, contre toute attente, recolonisent une zone interdite. Rêveries inspirées par le livre, ouvertes par les possibilités d’interprétation. Surgit alors un monde tintinnabulant et chatoyant et terrifiant. Car il est beaucoup questions de cloches, de musique et de la première guerre mondiale. Et, en premier lieu, de littérature et d’écriture.
Bonsoir Xavier. Il me semble que nous avons un livre en partage ! Pour moi découverte grâce à François.
Bonjour Jérôme,
j’en dois la découverte au même François !
Merci d’être passé sur l’article.
Beaucoup aimé ces excursions
Merci Nathalie