Lundi :
1. La foule pressée d’une grande ville inondée de soleil – une silhouette vêtue d’une robe safran le long d’un quai. Ses déplacements tellement infimes qu’on croit qu’elle reste immobile, présence imperturbable au cœur du mouvement désordonné. Les passants pourtant l’ignorent absorbés dans leurs déplacements. Les horloges s’inversent – la vitesse n’est plus que le fond sur lequel se détache l’odyssée du parcours du bonze qu’on croyait immobile.
2. Au bord d’une route sous un arbre dépouillé deux personnages assis. L’un a enlevé ses chaussures et se frotte le pied qu’on devine douloureux après une marche sans doute prolongée. L’autre debout le regarde et l’interroge sur une possible rencontre qui pourrait avoir lieu en cet endroit désert. Ils sont déjà venus la veille et personne ne s’est présenté. Ils parlent pour occuper le temps de leur attente.
3. Un fléau dévaste la ville. On s’interroge sur le moyen d’y mettre fin. On consulte les oracles qui réveillent d’anciennes prédictions qu’on avait cru éviter. L’aveuglement de tous retombera sur les yeux d’un seul.
Mardi :
4. C’est un homme dans une chambre. Quand il parle on ne sait pas bien s’il évoque un monde réel ou celui de l’écriture, du moment de l’écriture. Quand il parle de lui on croit que c’est un autre. Parfois il compte des cailloux dans ses poches.
5. Une grande pièce comme un cylindre avec des files de gens qui attendent au bas d’échelles qui conduisent vers des sortes de niches. Ils attendent leur tour. Obéissent à des déplacements réguliers dont ils respectent patiemment les règles.
6. Un homme se réveille soudain devenu cafard. Malgré ses efforts il ne parvient pas à se lever et réalise qu’il va être en retard à son travail.
. Mercredi :
7. Elle est libre et ne veut pas laisser les évènements lui dicter sa conduite. Préfère emporter partout son maigre bagage plutôt que de se sentir attaché par la pensée a l’endroit où elle l’a laissé. Elle reste sur un banc sous la pluie pour rester maîtresse de sa vie. Et puis cédant à la sollicitude de bonnes âmes accepte d’aller dans un foyer avant d’y mettre le feu.
8. On le déclare disparu dans le crash d’un avion. Sa femme persuade ses enfants qu’il va revenir un jour. Il faudra la mort du fils ainé pour qu’elle se résolve à penser qu’il les a vraiment abandonner. Son fantôme continue de hanter les générations suivantes
9. Chaque fois qu’il doit rentrer de voyage il s’aperçoit qu’il ne parviendra pas à remettre dans ses valises ce qu’il a emporté. Les objet se sont accumulés à son insu et réclament son attention. Il ignore que c’est un rêve. Parfois lui revient ce « bric-à-brac confus »
10. Le soir elle raconte des histoires pour rester en vie.
11. Une naissance peu ordinaire – un père qui délibère s’il doit rire ou pleurer – un enfant assoiffé parcourant les universités, en rejette le fatras, devient un abîme de sciences – puis rencontre un homme qui lui raconte toutes sortes de mensonges dont il se satisfait
jeudi
12 C’est un poète. Il n’écrit pas ou plutôt son écriture reste clandestine tant qu’une autre tache guerrière ne sera pas accomplie. Il couche sur le papier des notes comme on rêve.
Vendredi
13. Depuis sa tour moyenageuse il remonte le temps, pendant qu’un autre rate tous ses repas sur sa péniche. Pour finir (mais peut-il vraiment y avoir une fin) tout le monde embarque sous le Déluge. Tout est chiffré dans ce récit mais on ne s’en rend pas vraiment compte.
14. Quelqu’un lit un cahier dans lequel un enfant décrit une île de la Terre de feu où tout est organisé selon un ideal olympique un peu glaçant. Pendant ce temps quelqu’un cherche à récupérer ses souvenirs d’enfance. Mais justement il n’en a pas ou plutôt sa mémoire est toujours lacunaire, recomposée. Il dédie son livre à « eux », cette lettre aussi qu’il fait disparaitre dans un autre livre.
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Ce sont comme des devinettes, finement proposées. Quand je reconnais les histoires, j’admire la façon dont elles s’exposent. Quand je ne les connais pas, je trouve certaines intrigantes : comme les 1, 2, 4, 5, 7… Surtout la 4… Je peux savoir ?
La 1 c’est un film de Tsai Ming Liang qui s’intitule « le voyage en Occident ».
La 2 c’est mon interprétation très personnelle d’En attendant Godot
La 4 c’est Molloy de Beckett et là encore c’est une déformation. Brigitte Celerier propose quelque chose de beaucoup plus fiable.
La 5 c’est encore Beckett Le dépeupleur.
La 7 c’est Renata n’importe quoi que j’ai découvert grâce à Catherine Serre qui en a signalé la réédition. Houlala ! Quelle claque !
Merci en tout cas de votre passage.