transversale #03 | rêveries –

Les rêveries d’un promeneur solitaire que je n’ai pas lu depuis mon adolescence, images floues dans mon esprit mais ce titre, ce titre….

Ce sont donc, des rêveries

Rêve t’-il parce qu’il est seul ? Rêve t’il parce qu’il se promène ? Rêve t-il qu’il est seul et qu’il se promène ? Rêve t’il debout ou endormi ? Qui fait le rêve ? Comment peut-il savoir qu’il rêve ? Et à quoi rêve t’il ? Rêve t’il qu’il rêve ou tout cela n’existe pas ?

Ce sont donc, des rêveries –

C’est un homme, vivant seul, dans sa grande maison. Il ne voit plus personne. Il reste entouré de son jardin, ses fleurs et ses moutons. Il ne fait rien. Il rêve. Il rêve debout. Il contemple le ciel changeant. Il ne bouge pas. Il ne sent plus son corps. Il est absorbé dans sa tête, il regarde les images qui se dessinent en lui et devant lui. Mais voit-il son jardin, ses arbres et ses moutons ou regarde t’-il la vie qui le traverse à l’intérieur ? Ressasse t’il un rêve après l’autre ou se laisse t’il partir dans ce chemin de rêveries ? Il rêve à ce qu’il vit. Il rêve à ce qu’il lui reste à vivre. Il se demande s’il n’a pas rêve toute sa vie entière. Peut-être n’a t’il jamais fait que rêver ? Rêver sa vie. Peut-être que sa vie n’était qu’un rêve sans fin. Il reste là debout tout le jour durant sans bouger sans penser, simplement à rêver. Il rêve.

La tyrannie de la réalité de Mona Chollet

Dans la tête de ‘homme qui rêve

Je rêve non je ne rêve pas je vis mon rêve je ne veux pas vivre comme les autres je ne veux pas vivre la réalité j’ai cessé depuis longtemps de croire que le réel était la véritable existence je ne veux plus croire croire que ma véritable existence est le réel, je veux rêver ma vie ma vie comme je la rêve je ne veux plus participer au collectif de la réalité humaine je ne veux plus qu’écouter les bruits de mes rêves je ne sais même plus si je dors ou si je vis je ne veux plus je ne veux plus.

Rêver sa vie. Admets que tu partes dans l'état où tu es en ce moment: tu risques de crever comme une bulle, tu auras rêvé ta vie trente-cinq ans et puis un beau jour une grenade fera éclater tes rêves, tu mourras sans t'être réveillé. Tu as été un fonctionnaire abstrait, tu seras un héros dérisoire (Sartre,Âge de raison, 1945, p. 124).

Ce sont donc, des rêveries –

Lorsqu'en avril 2002, la France vote massivement pour un candidat d'extrême droite au premier tour de l'élection présidentielle, un intellectuel décrète avec fracas que la réalité a fait campagne pour le Pen. Quelques semaines plus tard, le même, qui dispose apparement d'une ligne directe avec la réalité estime que l'italienne Oriana Fallaci, dans son pamphlet islamophobe s'efforce de regarder la réalité en face. (...) Puis lorsqu'en février 2004, une pétition accuse le gouvernement de mener une guerre à l'intelligence en raison du sort fait aux chercheurs, aux enseignants, aux intermittents du spectacle et à bien d'autres catégories, certains membres de la majorité présidentielle estiment que la protestation traduit un refus de vivre dans la réalité. (...) La réalité constitue désormais la valeur étalon. Elle est le seul dieu que nous vénérons, le dernier qui reste en magasin. On condamne l'imaginaire et le rêve, perçus comme des enfantillages, comme les symptômes d'un désir de fuite, d'une incapacité à affronter la vie. (...)  Extrait de la tyrannie de la réalité de Mona Chollet.

Ce sont donc, des rêveries –

Il rêve et il marche. Il rêve qu’il marche. Il marche en rêvant. Il marche dans son rêve. Il marche longuement. Il rêve lentement. Dans des sentiers qu’il connait et d’autres où il n’est pas encore allé. Il y a là des arbres, des feuilles, des branches, des fruits étranges. Il y a là des ruisseaux, des cours d’eaux, des biches qui s’enfuient, des chevaux affolés. Il y a là du béton, des HLM, de la misère et de la haine. Il y a là des trottoirs, des ruelles, des boulevards. Il y a là, le métro, le bus et les taxis. Il y a là des bords d’autoroutes, des bords de mer, des bords du gouffre. Il y a là des champs isolés, des départementales, des sentiers boueux. Il y a là la montagne, les pics de glace et les tranchées. Il y a là, sa famille lointaine qu’il n’a plus jamais revue. Il y a là, des femmes, des blondes, des rousses, des russes, des italiennes, des celles qu’il a regardé et qui lui ont fait tourner la tête. Il y a là la lune et les galaxies, les étoiles et les dieux. Il y a là les échecs, la honte et ce dont il ne parle jamais. Il y a là l’amour, si il y a eu amour, qu’il a laissé filer. Il y a là fragments d’images éparses et éclatées. Il y a là, fragments d’images éparses et éclatées. Il y a fragments d’images…

Ce monde est le monde des possibilités. Toute possibilité d'un possible événement existe bien sûr : mais la chose la plus extraordinaire est que l'éventualité d'un évènement impossible devenant possible existe également. Babuji.
Ce monde est le monde des possibilités. Toute possibilité d'un possible événement existe bien sûr : mais la chose la plus extraordinaire est que l'éventualité d'un évènement impossible devenant possible existe également. Babuji.

Je marche mais ne bouge pas je marche mais sans marcher je marche sans jamais commencer sans jamais commencer à marcher sans jamais commencer à marcher je marche sans relâche images mouvements esprit foulées lentes ou rapides je marche sans arrêt je marche vers l’horizon je marche en toutes saisons je marche pour me rencontrer je marche pour me fuir je marche pour m’oublier m’oublier et oublier que je marche je marche un jour deux jours tous les jours je marche heure après heure sans jamais me fatiguer sans jamais cesser sans jamais m’ennuyer je marche sans jamais m’ennuyer image pensée pied mouvement je marche en rêvant je rêve en marchant je mêle mes rêves à mes pas je pars vers mes rêves je mêle marche et rêves je mêle je m’emmêle je ne sais plus si je marche ou je rêve je ne sais plus si je rêve ou je marche je ne sais plus si mon rêve marche.

Le célèbre rêve de l’homme en marche – Martin Luther King

C’est absurde de vivre au lit avec des murs.

Face à ce qui se dérobe -Henri Michaux
  • Il est seul –
  • Mais pourquoi est-il seul ?
  • A t’il eu le choix ?
  • Est-il heureux ?
  • N’a t’il plus d’amis ?
  • N’aime t’il plus le monde ?
  • Est-il déçu, blessé, trahi ?
  • A t’il envie de mourir à la société?
  • Ne supporte t’il plus que lui même ?
  • N’a t’il plus de famille ?
  • Etait-il si détestable pour être si seul ?
  • Est ce sa survie ?
  • A t’il finalement toujours eu envie d’être seul ?
  • Et s’il rêvait qu’il était seul ?

Ce sont donc, des rêveries –

Dans la tête de l’homme qui rêve

Je suis seul mais je ne me sens pas seul je suis seul mais je ne vis pas seul je suis seul mais je m’accompagne de ce que j’aime je suis seul mais j’ai la paix je suis seul mais je ne dois rien à personne je suis seul mais que c’est bon je suis seul mais j’aime ce silence je suis seul mais jamais pour de vrai je suis seul mais tout me parle je suis seul mais tout en moi parle je suis seul mais je lis je suis seul mais je marche je suis seul mais je contemple je suis seul mais je parle haut je suis seul mais je me murmure les mots je suis seul mais je n’ai rien à dire à personne je suis seul mais je n’ai pas mal je suis seul mais je me suis lassé du monde je suis seul et je suis heureux je suis seul et je rêve je suis seul et je rêve.

A propos de Clarence Massiani

J'entre au théâtre dès l'adolescence afin de me donner la parole et dire celle des autres. Je m'aventure au cinéma et à la télévision puis explore l'art de la narration et du collectage de la parole- Depuis 25 ans, je donne corps et voix à tous ces mots à travers des performances, spectacles et écritures littéraires. Publie dans la revue Nectart N°11 en juin 2020 : "l'art de collecter la parole et de rendre visible les invisibles" voir : Cairn, Nectart et son site clarencemassiani.com.

8 commentaires à propos de “transversale #03 | rêveries –”

  1. Merci pour cette belle promenade dans les nuages, les grands passages sans ponctuation, on les « entend », bravo.

  2. Tout est beau dans cette invitation aux rêves et les références arrivent à point (je n’ai pas réussi à entendre la bande sonore). Super.

  3. Merci pour ce retour chère Louise George – Pour la bande sonore, il te faut appuyer sur la flèche (une fois normalement) et ça part. Belle journée qui semble ensoleillée. La bise

  4. Quelle belle présentation audacieuse ! Riche aussi, promenade intense, rêveries et réalité, merci pour le texte de Mona Chollet, réécouter Martin Luther King, en ce moment ça fait du bien, les photos, les polices… Merci, Clarence.