On somnole dans la rue, la nuit. Et ces nuits-là, le monde nous habitent. Il est ce familier de l’extérieur et cet étranger de l’intérieur. Les détails se révèlent dans la pénombre. Les volets se ferment, les graffs apparaissent. Le monde change et les trottoirs deviennent dortoirs. Dors toi, dehors toit. Entre les lucarnes et les gargouilles, on anime cette sublimation ténue de l’entre deux murs de Paris. Il faut se protéger coûte que coûte même sans un rond : on rôde à l’affût.
Dormir ensemble, c’est une colocation sans frontière, une nouvelle manière de travailler l’espace. Et cette préoccupation erre entre l’humanité et les charognards alors on tourne un peu en rond avant de s’allonger. On nous a tellement mis à la porte qu’on veux faire un dedans dans un dehors dans ces lieux où l’on ronfle sous le regard des passants et l’anonymisation de la foule.
Là où la rue devient habitable, on roupille ensemble. Ce sont les boulevards à sens unique, les rues à doubles sens, les impasses sans nomination. Il faut réhabiliter les allées pour transformer l’invivable en chambres d’hospitalités. Alors, on les alimente comme le foyer d’une cheminée. On adoucit le crépi, on arrondit les angles, on donne des mots à voir à défaut de donner de la voix. Parfois, on est un peu protégés par les voiles lactées Quechua alors ça fait presque une délimitation entre intrusé et intrusion. Sinon, on entasse nos corps têtes bêches sous les préaux, sous les ponts, sous les bancs. On s’abandonne soûl et sans sous.
Vers minuit, on se laisse noyer, parfois, par les sirènes des pompiers. Vers minuit, on se laisse porter, souvent, par l’odeur des égouts du métro parisien. Ça y est. La nuit bercée par la fatigue commence doucement. Nos corps reposent, enfin, sur des lattes fines de cartons, des édredons en plastiques, des oreillers en sac à dos. Pour traîner, on raconte, un peu tous les récits de l’extérieur sans tuiles, sans cheminées, sans portes closes. C’est très rues râles pour une zone urbaine. L’hiver à la rue, c’est une autre histoire. Chassés par le froid, les gens font retentir leurs clés cliquetantes au rythme de leurs pas. On entend plus que ça.
L’arrivée de la nuit qui éclaire les invisibles… et les sonorités restent à l’oreille. Merci pour ce texte que j’ai trouvé très fort.
Merci pour votre lecture !
Une colocation sans frontières! belle image. Beaucoup aimé le texte