Derrière le silence de mon corps je rêve d’une aube ensoleillée.
Je ressens dans le sol les vibrations de multiples ongulés, un troupeau qui serait là, le grand troupeau de la matinée éclose de rosée et de lumière.
Je ne vois pas de quels animaux il s’agit, sinon leurs larges naseaux. Leurs pas tremblent en moi, je les devine tout près autour, ici chez eux, de l’autre côté de cette toile qui m’en voile. Je ne sais si cette mince épaisseur suffit à ce que ma présence ne puisse produire ni gêne ni réaction. Soudain c’est trop près, il me faut prendre conscience, quoi faire.
Dans un bruit de souffle, je me réveille. Je suis allongé sur le ventre ; ma cage thoracique résonne des pulsations de mon cœur : lentes, mais amples, elles sont mon troupeau d’un moment.
À la clairière rêvée se disputent le bruit de la pluie sur la tente et les restes encore de la nuit. Je repars me blottir dans mes rêves.
Puis ce n’est plus que la forêt qui s’égoutte.
Un chevreuil aboie dans un fracassement de branches.