Ah que c’était bien, le voyage sur les rails encore nationaux du Danemark et de Finlande et sur les lignes souples au voyageur d’Allemagne aussi. Un trajet Joensuu-Cahors effectué sans rupture majeure, juste quelques passages aventureux offrant de belles rencontres !
Mais là, sur un Foix-Toulouse, retrouver les dures lois de la fausseté SNCF, l’éclatée entre le régional, le Ouigo, l’Inoui et qui ne sait plus accueillir le voyageur perdu…
Départ dans douze minutes, ça devrait le faire quand même. A condition que le gars soit plus dans la machine que dans la musique qui tient sa tête en étau. Je ne vois pas ses mains. C’est vrai qu’il a le buste enfoncé dans la machine. Les coudes très écartés comme s’il jouait au baby-foot. J’aimerais qu’il marque vite car si je loupe ce train-là, il me faudra attendre une heure et surtout, ce ne sera plus le même tarif ! Tout ça parce que la SNCF, ce n’est pas la Deutsche Bahn. C’est bien la peine d’avoir gagné tant de monuments aux héros…
Bon, ça se dégage côté jeune emmusiqué mais la mûre voilée qui vient derrière, elle n’a pas l’air d’avoir l’habitude du train. Elle regarde la machine de côté, très reculée, juste une main près de l’écran et l’autre en arrière qui tient un sac à main en équilibre sur le poignet cassé en col de jars. Comme si elle était prête à en donner un coup sur quiconque s’approcherait. Ou au contraire, voudrait qu’on l’aide ? Je n’ose pas mais je piaffe. Elle me regarde d’un air sombre, je me calme. De toute façons, il y a quelqu’un encore entre elle et moi. Six minutes. J’espère que ça va le faire quand même.
Elle est partie mais la jeune fille qui suit rameute ses copines. J’espère que ce n’est pas pour prendre cinq billets à la suite. Là, ça ne va pas le faire ! Mais je suis hypnotisé par sa façon de pianoter contre l’écran, comme elle tapoterait un handpan vertical. Elle a des prothèses aux ongles et du coup la vitre de l’écran résonne bien sec. Elle parle à ses copines comme si elle faisait un vocal d’accompagnement. Le soleil qui arrive à cette heure en oblique sur la machine du bord du quai allume des reflets. Tant pis pour le train, j’aurais eu le concert gratuit !