Né. Un jour puis un autre, un autre encore, encore un de plus et celui-là aussi. Trop de vie. Un entêtement. Pourquoi tout cela ? Né pour vivre contre sa propre mort, balbutiant seulement ce verbe, trottinant déjà ou allongé à lire un livre. Quête infinie à décrypter, très vite, jamais trop tôt. Aimer à tourner les pages et dévorer la vie de lettres, l’écouter se dire en majuscules et minuscules, par-dessus les voix maitresses et les gestes gracieux des diseurs du monde. Découvrir dans les courbes, les droites, les liés, les animaux-sons, les maisons-syllabes, les herbes-mémoires, le A, le B articuler, sonoriser, déclarer, choisir, balbutier, chuchoter, murmurer jour après jour voix autres miennes voix miennes des autres. Questionner aussi. Interroger, tâter, sonder, scruter et ouvrir d’autres livres. Apprendre et trouver ses mots au monde pour ainsi revendiquer une existence, sienne et mienne et y glisser mes mots, paroles dociles, paroles muettes, paroles inventées, images d’images, rêves de rêves. Dessiner et chercher dans les couleurs cette autre forme des phrases. Pousser, grandir, fuir, revenir, attendre souvent. Puiser, gravir, feindre parfois ou jamais, réjouir, arrêter. Choisir sans jamais le faire, aller sans jamais partir. Quitter souvent, trop tard, volontairement ou parce qu’il y avait ce jour tant de pluie sur la grisaille des hommes. Grandir tout gribouillé d’erreurs. S’aventurer, prendre des chemins de traverse et suivre une étoile comme d’autres une route. Chercher, puiser, prendre et donner, rendre et restituer. Regarder des temples. Entendre ces mots lointains comme ces rites inconnus. Catharsis du monde et de soi. Sentir la joie, chtonienne, lointaine et tienne. Né pour être sans trop savoir quoi faire ou simplement, si simplement, pour vous dire sur cette scène silencieuse combien l’aurore me pousse à aller vers vos solitudes et prendre dans mes mains vos larmes que j’échange pour mes sourires, timides, lointains comme une histoire née sur la courbe d’une lettre tracée sur cette feuille.
Rétroliens : #7 – d'autres pas…
« Grandir tout gribouillé d’erreurs » j’aime bien
Merci
Moi aussi. Beau texte, profond avec peu de choses perso, juste ce qu’il faut, beaucoup de poésie aussi. Merci
Pudeur et jeu du texte
Bravo pour ce choix du verbe à l’infinitif… ça fonctionne…
merci Sylvie…
Oh! Merci beaucoup.
C’était dans le sillage des consignes du maître. Ou alors ça s’est imposé, comme allant de soi
très bel incipit: l’entêtement à naître, tous les jours, ajoutés les uns aux autres… et puis vous m’avez réconciliée avec l’infinitif dont je m’étais lassée…
L’infinitif permet toutes les conjugaisons. Non?
Merci pour votre lecture.