Je les ai dévorés, je les ai lus avec frénésie. Je les ai entassés au fond de ma caverne comme des trésors que je chassais clandestinement. Ils m’ont guidée et je m’y suis aussi enivrée, il arrive aujourd’hui que leurs mots et leurs histoires se mélangent. Mais ils sont tous là. Ils ont comblé le trou noir et forment le socle sur lequel je me tiens.
Du capitaine Corcoran et du Club des cinq, mon destin d’aventurière, d’exploratrice. J’étais le capitaine Corcoran, j’étais sa tigresse Louison, j’étais aussi Claude, fille/garçon qui m’a permise de me rêver en meneuse. C’est de son prénom que j’ai nommé mon frère jumeau imaginaire. Avec lui je partais en Amérique, cachée dans des charriots de cow-boys qui transportaient des couvertures en laine de la marque O sole mio.
De Lumière d’Aout de Faulkner, la sidération d’être projetée dans la fournaise, dans le silence assourdissant de la violence. J’étais sur cette route poussiéreuse mes souliers à la main, écrasée de chaleur. Un Pilône se dresse dans ces vacances d’été passées à la bibliothèque communale.
De Colette, toute l’amplitude du vivant. La précision et l’apparente simplicité, les descriptions qui racontent ce qui est sous-jacent. Je me souviens de quelques dialogues d’animaux lus à l’école primaire. Peut-être ai-je reconstitué a posteriori cette sensation mais dans mon souvenir il y avait un peu de souffre perceptible dans ces quelques lignes. Aujourd’hui encore deux volumes de la collection Bouquins veillent debout sur mon bureau.
De Dolorès Prato, sur la même lancée, la description des nervures d’une table basse pour raconter la détresse d’une enfant qui ne peut se dire autrement. Le prisme des descriptions minutieuses de ce qui nous entoure comme échos à ce qui se joue entre les humains.
D’Annie Ernaux, le choix de la simplicité du vocabulaire, de la langue des origines. Renoncer aux apparats de la langue bourgeoise qui ne m’appartient pas, rester fidèle.
De Sylvia Plath, Virginia Woolf et Janet Frame qui sont en permanence à mes côtés sur la table basse de nuit, l’écriture comme un combat contre les assignations à résidence, à la folie, au silence. Les voyelles claires s’élèvent comme des ballons et emportent avec eux mes rêves dont je ne me souviens jamais.
De Iko Ogawa, La Papeterie Tsubaki et La république du bonheur, mes lectures du moment, pour les sources discrètes du bonheur dans les rituels et les recettes de cuisine. Pacification.
*Sylvia Plath, Morning Song in Ariel,
Une très claire sentimenthèque. Grande vitalité !
Merci Emanuelle, je suis contente de la partager avec vous!
Une jolie visite pour une conversation bien inspirante.
Merci pour votre visite, vous êtes la bienvenue et je vais vous rendre la pareille :-)!
ça donne envie de lire ceux.celles qu’on ne connaît pas, Dolorès Prato par exemple.
Merci beaucoup Béatrice, je vais faire un tour chez vous pour m’inspirer également.
Oh oui Dolores Prato ❤, je l’ai découverte récemment ! Quel livre incroyable ! Il mérite d’être dans une sentimenthèque 🙂