Sauf que tout était beaucoup plus humble — P. Jaccottet
et rien à perdre que le souffle par ce vent ou la gerbe, de brownies par centaines retournés tout autour ventre à l’air, relents de la terre contre moi comme si j’en sortais collant au coup de sueur qui me tombe dessus là quand plus autre part n’est trace de rosée mais quelle idée de m’arrêter, avais-je, ou me suspendre, pas une idée non, une alarme elle est au ciel, il est de traîne sous laquelle les confins boisés eux plus ne me couvriront, reculante mer qu’ils font à mesure de ma progression par les sillons dont la courbure à courte vue me dérobe les fins, à l’instant même où je cesse de derrière moi laisser l’instantané des crans dessous mes pieds, modelé à même la terre mort-vivante, son épuisement gras doublant à la moindre foulée mes semelles prend en masse et c’est pourquoi, abandonnée derrière, l’immensité, est une énormité, des fonds qui d’aboutissants en tenants font champs de vision comme je dis, et jusqu’à l’horizon tangente par où le ciel va toucher terre ou c’est l’inverse, la terre s’en vient de le frôler, ciel dont il ne fait plus l’ombre d’un doute que je tombe ou viens quand c’est pour être ainsi nulle part et que cela, ma chute ou son endroit se trouve avoir un monument voilà qui m’estomaque, l’alarme m’en venant ? comme tout un parking retentissant d’effractions lancinantes droit au haut de ma tête, elle est un volatile qui de la terre à main gauche a piqué au ciel mais vous, artefacts roulants, pneus agricoles, par quel éboulement céleste vous interposez-vous ? libérés sans remède de tout véhicule, tas, de tout assujettissement, ne fûtes-vous pas volants vous-mêmes, avant moi ? ne vous suis-je pas de près, qui suis-je ? ce n’est pas moi si les nuages courent, je cours, êtes-vous préposés à mon immobilité ? n’irai-je jamais plus loin que vous ? car il m’est vent qu’où, quelqu’en soit l’envers, alarme au ciel monte ne reste qu’une, dernière, chose à faire qui est d’en attendre retombée, sur moi ? me laisserez-vous le temps de me rassembler moi aussi, temps d’être là ? le temps d’être en entier, un corps là, retrouvé
2018 ; hiver ; tas et reliquats ; Outre-forêt
Essoufflant, ébouriffant. Une diatribe ?
Une tirade. Un dernier bout de souffle
Un corps accidenté qui meurt ?
N’y chercher aucune plausibilité mais oui
il doit y avoir de ça — la vie quoi (ses grands espaces)
L’exergue est tirée des Oiseaux invisibles dans Paysages avec figures absentes (Philippe Jaccottet, 1970), je conseille fortement
dans ces phrases à rebours, à la syntaxe difficile et pourtant évidente, j’ai eu l’impression d’avancer comme dans la terre retournée de la photo, dont la glaise collerait aux semelles, vers un horizon bas ou haut, qui sait ?
Merci, Laure, pour les « phrases à rebours »