#photofictions #01 | Pour un selfie

Je n’entrerai pas dans le détail.

Je sors sans le dire, l’auto démarre, le ciel est blanc. Je ne dis pas ce que je fais. L’auto entre en forêt. À dix minutes en auto de la maison le parking en forêt silencieux, l’air immobile. Empli de silence. Moteur, contact coupés. Je descends. Je n’en ai pas ressenti l’effet dans l’auto. C’est d’être debout à côté, me voilà dans l’air. Dans son aire. Je me suis rangé le long d’une auto, le blanc de la Clio s’y coule comme d’un œuf, pas de jaune. Elle est là. Le mobile me sort de la poche. 

La photo

Rien ne semble bouger. Entre les arbres l’air est immobile comme les autos, deux, dedans personne. Elle s’impose. Stationnée là. Elle est dehors. Je suis dehors. Je n’ai dit ce que je viens faire à personne, je fais un tour complet sur moi et le parking qui se perd au milieu des arbres, le parking garde le silence : je suis seul. Je ne m’éterniserai pas. Parce qu’après il y a l’incendie et les carrefours et l’homme et tout ça, l’air. Elle me tient en respect. Elle, me retient là. Il n’y a pas plus loin que le parking, elle dit. Je ne crois pas que je suis en train de faire ce que je fais. Elle est devant moi maintenant, j’ai fait un pas. Elle attend d’être prise. Elle attend de voir si je vais la prendre. Moi je suis en tenue. Dire que j’allais éteindre le mobile. J’allais le laisser dans l’auto, dans le coffre, je me suis dit : autant l’éteindre. Puis : s’il est éteint, autant le prendre. Je l’ai sorti. Je l’ai, là. Elle : de marbre. Alors je le fais. Me plante là. Je mets le mobile entre elle et moi, sous les hauts hêtres et chênes. D’où le silence tombe, surplombant. Dont les branches, dont les frondaisons, leurs reflets, aussi, tombent, dans l’auto. Coulent sur elle, se glissent en elle ou à la surface d’elle, déposent une profondeur et sans se mouvoir plus, se dessinent. Cascade de reflets figée dans son eau. J’appuie une fois. Gelée d’un gel d’encre noire. Elle ne cille pas. Une deuxième fois. Les bras braqués, verrouillés. Les deux mains prises, la prise souple mais ferme, le doigt qui se pose. Touche l’écran. Et sans me perdre en détail, parce que je ne suis pas là pour ça, pour elle, à hauteur de ventre, de mon sternum une troisième fois les pieds plantés dans le parking et surtout, surtout, dans le souffle qui s’écoule de moi sans heurt le temps de la mise au point, j’interpose l’écran de mon mobile. 

Écran

Je ne dirais pas ce que je fais. Aux prises, seul, avec elle. Prendre une photo d’un stationnement automobile ; autorisé qui plus est ; automobile qui ne m’appartient pas au demeurant. Le son enregistré de mécanisme d’obturateur s’entend, une, deux, trois. Quatre fois : je n’ai pas coupé le son. Cinq, pour voir. Jusqu’à la bonne, hein ? Vous connaissez un mobile qui ne fait pas photo ? Dire que j’allais l’éteindre. Et je ne sais pas qui vous êtes pour vous dire ça, vous allez voir des arbres renversés et il y aura quelqu’un dans mon dos, un homme, six, et de l’incendie dans l’air. Le parking garde le silence sur tout ça. Il est le dernier Defender. Je le lis au cul. Jamais vu. Pas entendu parler. Oui, il est photogénique et puis ? D’un gris profond. Il est d’un gris plomb. Gris d’orage. Il fait écran entre la forêt et moi. Se dresse entre elle et moi. Dans le chemin entre elle et moi, on dirait qu’il fait une cage d’une flaque de l’eau noire des bois mais je traîne, là. Que la futaie autour de nous se mire en lui et qu’elle se maquille de noir et qu’elle se plie et plonge en lui, dans ses contours ; que mon œil et lui soient de la même eau ; qu’il soit tout plein de son effet et de six, je pousse un ouf : je ne m’y retrouve pas. Nulle part à sa surface ne se trouve mon image. Juste en face de moi une macule ou bavure : le miroir noir de mon mobile a seul rejoint la pompe, funèbre, de l’auto, par coalescence. Si j’en prends une dernière image c’est pour la traverser. Et je l’oublierai, je me dis. Je le fais entrer dans le mobile, j’éteins le mobile et n’en parle plus.  

Sans mobile

Je le coupe. Je quitte Appareil photo et j’éteins, je fais Éteindre, une fois. Éteindre une deuxième fois. Mon mobile, un coup bref, vibre, il a compris. Dire que j’allais rejoindre l’indifférence des bois, l’indifférence générale. Je croyais. Je ne vous dis pas — ou je vous dis tout ? Dire que je viens me taire. Je le serre contre moi. Je l’ai à mon bras. Je le porte éteint. Le mobile est éteint en forêt, merci de votre compréhension. Je garde le silence. Je l’emporte en forêt. Je ne vais pas me faire sonner. Ne pas me voir appelé. Je vais sans dire, tout mobile éteint, ne pas être amené à parler. Ni m’y laisser aller. Ni poussé. Ne viens pas dire ce que je fais. 

Cela se voit. Pour la première fois depuis des jours l’air est frais sur les bras. Il est sans vent qui répandrait la rumeur automobile en forêt, cela encore est la différence du jour. L’agglo ne vient pas jusque là, ne me suit pas, cherchez l’erreur. Je suis le seul déplacement d’air alentour. Ça se passe comme ça : il y a la photo avec le mobile, puis plus le mobile, le mouvement seulement et l’air. C’est le mouvement d’aller en forêt. En tenue. En silence. Sur le dos personne. Je le porte sur moi ce que je fais. C’est l’allant des bras, c’est leur élan, l’angle des bras, leur balancement, c’est de balancier le mouvement des bras, le gauche, le droit, l’équilibre que j’y gagne, c’est leur coordination, économie de mouvement, l’aisance dans les bras, entre, c’est la cage, va-et-vient du thorax, sa stimulation, ses haussements c’est l’exercice, c’est l’accompagnement des bras, mouvement de pendule et comme le reste du corps, tout le corps, vivant, s’y suspend, comme un bercement dans les bras bas et courts, pliés sans tension, sans amplitude et lâchés même de temps à autre, ballants dans la décontraction le poignet souple paumes vers le sol, la main ouverte sur un objet qui n’y est pas, qui est 

En l’air 

ou autour des hanches, au point de leur tangence, balance, l’avant-bras gauche entraînant la jambe droite et inversement, naturellement avec l’aisance la cadence et la pénétration de l’air, pénétration en l’air des bois, des bras je veux dire, des bras touchant le fond, le fond de l’air, fond de l’air frais, le frai des bras en l’air l’air venant et comme advenant contre, le rythme imprimé en, introduit dans l’air, c’est la scansion, c’est la chanson du souffle, m’échappant, de mon souffle soulignant le silence, aérien, l’aiguisant et ça, c’est mon allure, vous voyez ce que je veux dire. Ce que je fais, ça se voit. Ce que je fais va de soi. L’air coule de source sur moi, cela est mon film muet.  L’air. L’air vient contre moi. Il n’a rien contre moi. C’est mon allure, je vous dis. Il se laisse faire comme il se fait sentir. Son frottement. Comme il se fait sentir, se laisse entendre. Il est le seul bruit qui me vient à l’oreille, j’excepte la corneille au-dessus de ma tête : je dérange. Je vais trop vite. Ou je me perds. Ne sais plus où j’en suis : l’incendie. Non. Que je vous lise le chemin d’abord.

 Le vol

Je n’entrerai pas non plus dans le détail. Il est de la dernière pluie. De la nuit dernière il faut croire. La première depuis des jours. Elle a redessiné le chemin. Marbré. Son ruissellement l’a attaqué là, creusé tout le long là, déplacé. Ce qu’ils lui ont arraché ou soustrait ils l’ont emporté plus loin, à vue d’œil. À portée d’un regard, un vol. Les yeux volent. Les yeux lisent le sol, de haut : de ma hauteur. Je vais suspendu au souffle, m’y suspendre. Ce que je fais ? Je vais. Pas moyen de les laisser aller eux, dans les ramures, oiseaux, me lâcher. Le terrain est plein des accidents de la nuit, qu’ils survolent. Qu’ils me disent : où, comment là, là, là, là me poser. Le chemin glisse sous moi. Je lis sous moi comme il a été facile, comme il s’est prêté, cette nuit, et laissé entraîner, porter grain à grain, miette par miette, sur l’eau. Elle l’a retourné du côté lisse. Marbré. Elle en a redistribué les éléments par couleur, les noirs avec les noirs, blancs avec les blancs. Ce qu’elle a fait, ce que la pluie en s’écoulant où je vais a fait : elle a séparé le végétal du minéral. Elle en a festonné les dénivelés. En faisant la part du blond le plus cristallin, jusqu’au décomposé le plus bourbeux et noir. Voilà le chemin maçonné dans ses gradations, ses contrastes, méandres, rigoles. Yeux volent, je lis. Je ne dis rien des sablons. Rien des limons. Que sais-je, des éclats blanchis de silex dégagés du fond qui fut marin, mis au jour. Je glisse sur eux sans y tomber. 

Tapis volant des yeux. Mais voilà qu’il se retire sous moi. Un vol qui finit là encore une fois. En forêt. Et je n’en sais rien non plus, moi, je me fais un film. Et donc, ça commence par la photo en sortant de l’auto et je sors le mobile et elle essaie de me prendre, je reprends : je commence par la photo en sortant de l’auto et elle essaie de me prendre avec le mobile, m’immobiliser mais je m’arrache et je coupe le mobile, je vais sans mobile en forêt — ce que je suis venu faire — en tous les cas le mobile éteint et sur moi et pourquoi, je ne sais pas ou, est-ce que je vais en l’air et alors l’air se frotte à moi, j’ai de l’air sur mes bras et contre les oreilles et il me froufroute à l’oreille j’ai presque envie de dire flirte, et je n’ai les yeux ni en l’air ni dans ma poche — ai-je une poche — mais qui lisent le chemin de toute ma hauteur, à mon allure et sur les accidents glissent et les détails du terrain et c’est du vol, je ne vous raconte pas d’histoires ou je me les raconte d’abord, c’est du vol, c’est par eux que je me libère au fil du chemin où je vais, ça va comme ça en flottant, en respirant sur le fil du chemin en l’air l’air me frotte jusqu’à l’incendie. Je ne l’ai pas vu venir et pour cause : il n’est plus là. C’est comme mon mobile il est éteint. 

Auréole

Les dessins de la nuit sans rien dire m’y ont conduit. Je lève les yeux. Et c’est tout autour. Elle a débordé du chemin, la couleur s’élève elle aussi, à hauteur de deux hommes peut-être. Monte dans les arbres. Elle atteint les basses branches qui sont là, les rameaux de l’année des lisières. Je distingue entre elles qu’elle a couru sous les pousses, repousses récentes des herbes : avant elles. Elle est comme dans l’œil d’être un peu partout, volatile, subrepticement, dans une dissémination de liserés, dans les noirs, une latence, cette étendue, je ne sais pas dire si c’est tache ou ombre, le mot feu vient. Il y a eu un feu. Ça a brûlé. Ça ne se sent pas. Ou je ne le sens pas. Un réflexe suspenseur joue. Holà. L’idée de feu de véhicule me vient. L’idée de vol de voiture de suite derrière. Me saisit. Là, tout autour de moi une auto partie en fumée. Envolée. 

Je reprends ma lecture, les yeux papillonnant entre les débris et reliefs et autres. Abandonnés à eux-même, dépareillés sont un ressort ou l’apparence d’un ressort là, là un catadioptre, on dirait, une touffe ou est-ce une poignée de cheveux, queue de cheval aux extrémités frisée et qui peut être, ou qui fut le maillage métallique armant l’intérieur d’un pneu, disparu ; ou méconnaissables ; amas ; et des couleurs ou seulement leurs nuances, bleu vert d’une custode en miettes, gris bleu de cendres aux airs de lune. Parce que c’est comme ça où je vis. Les autos volées se posent en forêt où elles s’embrasent. Un vol de voiture s’achève en forêt. Et le rêve automobile. Enfin un berlingot ou rognon de coulure d’un métal fondu argent inconnu (de l’aluminium), caractéristique (voir le film dans lequel une créature se régénère et reconfigure à partir d’un métal liquide mimétique).

L’incendie n’est plus que dans l’air. A laissé un vide. Un creux. L’événement de l’incendie, une suspension. Un lustre fantôme, l’épave enlevée, un état de flottement, ou d’ouverture. Auréole. Où je vais. De la taille d’un petit parking, résidentiel, une piste de danse, vol stationnaire, je tourne là. Juste de quoi se retourner. Où je devine qu’il fut contenu, maîtrisé rapidement. À son endroit, un envers. Il a laissé. Un espace dans lequel me mouvoir. Une aire, je lui réponds dans le miroir de l’air que je tiens suspendu, à mon souffle, et vibrant, là.

Écho

(…)

Le palier haut de ma circumnavigation aérienne, forestière atteint, ou satellisation dans l’élément ou massif, ou de mon orbite, de ma mise en, ou sur : mon apogée atteinte et/ou dépassée, ne me reste plus qu’à me laisser descendre le long de bras et jambes. Avec le soleil, je veux dire ses rayons, sa course aussi. Je veux dire sa lumière ou celle qui en découle, qui ne va pas sans un peu, au moins, de chaleur. Sans une tiédeur. Ayant, le soleil, le tact de ne pas s’imposer, de glisser. Faire signe juste. De demeurer évasif sur l’évolution météorologique, tournure météo du jour, rien de décisif dans la lumière, ou de trop dessiné. Ou contrasté. Ne seraient-ce que les ombres douces, grises, esquissées sans mettre d’obstacle, sans trop insister des troncs en travers de mon chemin et par conséquent sur mes cuisses, me remontant le long d’elles et sans que j’enjambe, sans peine. Jamais. Rien encore de condamné donc, dans le jour tout demeure ouvert. Je veux dire : suspendu.

On n’a jamais fait le tour de l’air

(…)

Un galet

Son aspect général et ses proportions (isocèles vaguement triangulaires) sont d’une hache polie néolithique, mais en ramassés (très) et dénuée totalement d’arête (il ne connaît que la caresse vous le verrez), raccourci (arrondi) de lame d’une hachette à tel point qu’il se loge tout entier dans le creux non seulement de la main mais (si je m’applique) du poing fermé et de telle sorte que (sournoisement me préparant au combat rapproché ou corps-à-corps) son sommet (tout doux) fait pointer (en accentuant le mordant tout en durcissant le poing) l’articulation osseuse du majeur. De fait et malgré son contour trapu, évasé il rappelle, le polissage en plus et en miniature (englouti qu’il est dans ma main), le biface paléolithique taillé en amande qu’on appelle (souris sans fil) coup-de-poing.

Noir (ou pris pour tel) avec des inclusions (amas) d’un brun verdâtre (mastic) ou caramel, ici nébuleuse, là quasi trapézoïdale, qu’environne un petit nombre (plus ou moins la dizaine) de points d’impact virant au roux, nébuleux eux-mêmes (nuée de points) pour certains, des clartés (comme on dit nucale), ce qui donne à penser (laisse à rêver) qu’on a sous les yeux un morceau du ciel ou de nuit, que dis-je, de galaxie (Voie lactée) tombé tout poli (dans sa précipitation) dans la main, et qui (bien poliment) s’y prête, glissant (voilà qu’ils se délient) entre les doigts qui le tournent et sans avoir de cesse se le renvoient comme il passe aussi, y compris d’un rapide bond (détour) en l’air, d’une main dans l’autre.

Et comme l’eau (courante ou ressassante) en son temps a pu faire étant bien entendu que le roulement dans les doigts est en terme de forme (pour l’instant) sans effet mais néanmoins performant du point de vue de l’éclat (ou contraste) qu’il gagne aux contacts multipliés voire continus (frottement) de sécrétions naturelles de l’épiderme exerçant à sa surface une espèce de ce qu’il semble à propos de nommer cirage, par où le calcaire du parking incrusté dans la résille ou confusion de ridules et micro-griffures qui le couvre intégralement et (s’échauffant) l’apparente au lisse (lustré) de la peau (pulpe) glabre des doigts (marques de fait imperceptibles au toucher) se trouve sinon dissout (vinaigre blanc), du moins ses apports blanchâtres provisoirement effacés, imprégné qu’il est du film lipidique (sudoral) que mes (tripotages) manipulations lui communiquent au point que le gagne une profondeur (cosmos, glacis) de surface renforçant l’impression d’équilibre de l’ensemble (et l’attirance) en rehaussant la constellation d’accidents (événements) qui l’animent et en font un phénomène (voir le film dans lequel un monde est suspendu au collier d’un chat) tout ce qu’il y a de singulier, et quelconque cependant. Un galet.

Car à bien y regarder (toucher) cet équilibre, sa régularité (en soi tout un poème) ne sont pas sans un menu mais conséquent bémol : sur l’une des deux faces il manque un (tout petit) peu de matière, où se constate une érosion et dans l’arrondi général un plan, très modeste, là exactement où un moins fait un plus : cette facette (ou méplat) lui est une semelle, sur laquelle je le fais du bout de l’index tourner sur lui-même (et son ombre), le mettant en valeur (et relief) par l’inclinaison qu’elle lui imprime une fois posé sur ma lunette arrière, laquelle déjoue la symétrie de ses proportions, l’élevant, bien que de taille réduite (4,5 cm dans sa plus grande dimension), au rang d’objet d’exposition, c’est-à-dire fait, façonné (rien que par le temps, je n’y vois, malgré tout ce que j’en dis, nulle main de l’homme) en vue d’elle (c’est qu’il penche alors, très légèrement, d’un côté et a l’air ainsi de se présenter), état auquel sa noirceur générale (ou supposée : il est couleur de son ombre) donne toute densité. Tout son poids 

repris promptement (tout refroidi) en main, l’enjeu étant à ce stade de lui conserver si ce n’est son éclat (retentissement de sa trouvaille, ce saisissement) du moins un certain lustre et avec lui comme une intimité, à entretenir, ceci à la fin de continuer de jouir à plein, non seulement de (l’expérience) la balance de l’ensemble, mais également du détail, de ses nuances (cosmos contenu dans un pendentif), procédant, soit comme on réchaufferait dans ses mains un oiseau palpitant (mourant) ou même rien que son cœur (l’équivalent de deux beaux cœurs de poulet en volume), soit qu’on développerait sans fin (bains des révélateurs, de fixateurs), tirerait sans fin, un film photographique, d’un film la photographie — tant il m’apparaît que l’objet ramassé, cet objet-là, dans sa capacité d’accueil voire d’absorption, paradoxale étant de la nature qu’on sait, de par cette disponibilité ou disposition qui lui est propre, sa gratuité, son absence de motif, je veux dire de mobile (son inertie de projectile), sa suspension hors de l’usage, son caractère intact, est justement à même de fonctionner (frapper) comme photo souvenir, du moment, du lieu (ou du non-lieu), du jour : un memento, un nœud (au temps) —, car il a besoin d’aide, il lui faut mon concours pour le révéler à (en) lui-même et dans l’oubli où il semble se tenir de son fond de noirceur (matière noire) le rappeler à sa forme de perfection, à sa (finitude) finition, et peut-être à son ou ses origines, il faut mettre un semblant de transparence à son opacité, quand il se ternit ou fane refaire briller sa nuit, raviver ses (sourdes) couleurs (ses côtés sombres), et qu’une tendresse toute verbale voire bavarde (intarissable) épouse sa dure mutité. Sa solution de rafraîchissement (développement et tirage), improvisée (et qu’il ne faut bientôt plus cesser de mettre en œuvre), tient alors en deux expédients consistant à – 1° cracher dessus et frictionner (comme lors de sa toute première prise en charge quand il s’agissait de le débarrasser des grains du sable et de ses résidus collés d’argile, la rosée des herbes de l’accotement n’y suffisant pas) ; – 2° l’enduire (nourrir) autant qu’il se peut du sébum (excès) additionné de sueur (après l’effort) de mon front ; gestes un tant soit peu dérobés, honteux auxquels on pourra en dernière extrémité associer celui de me le fourrer entièrement dans la bouche (gare aux dents) pour (une langue) ne lui refaire plus voir le jour que de temps à autre.