ça n’empêchera pas
B. Fontaine, Comme à la radio
Un cri du vingt-deux au dix dans la nuit me réveillera. Un cri qui dure.
Dans la nuit du dix-neuf et la pluie dans les phares, phares qui les arbres font tourner entre eux leurs ombres, jouer leurs tours, arbres en leur manège faufilé d’échangeur, de nuit dans l’échangeur sous les arbres et les phares, quelqu’un ce dix-neuf, un homme, et la pluie, les coulures, l’imprégnation des eaux de la pluie comme la nuit tombée sur les grands panneaux directionnels en amont du rond-point les décolore, les ternissant, le griseront face comprise sans lueur aucune dans les yeux autre que de source automobile, phares s’enchaînant dans la circulation régionale en l’un de ses hauts-lieux, points de précipitation et ralentissements donc, bouchons résorbés alors, que la fin de première partie de la soirée dans la nuit et les trombes sombre et déjà s’oublie dans les autos rejoignant empressément, elles, et comme si toute la vie, la vie en général, vie quotidienne, vie commune en dépendait leurs ports d’attache passé un seuil irréversible d’imperméabilité un homme là sur le bord, donc, et encore, dans les phares et chargé, lourd, de la pluie tombée de la nuit, avec la nuit, au commencement de la nuit du dix-neuf au vingt, au dix…
Dans la nuit du neuf au dix dans les dernières heures et la rue l’auto, dans les derniers quarts d’heure de l’extinction communale des feux, en stationnement blanc sous les fenêtres et les yeux également grand ouverts l’auto, blafarde avant l’aube, pâle à la place de la lune, Clio Business blanche homonyme de la muse en sa pâleur de veilleuse ou de liseuse, phosphorescence d’amanite, sa luminescence, comment dire, son rétroéclairage, et comme en éclaireuse ou guetteuse dormant dehors, précurseuse sa capacité en toute nuit de demeurer blanche, sa blancheur étant d’appel, d’attraction, ou de fascination devant l’aube qui là aura levé, l’aube en l’auto, à sa surface l’aube en germe en puissance sous mes yeux et comme sous moi, mes fenêtres où le soir dans la nuit je la laisse, l’ai toujours sans un regard laissée et là, me montrant, blanche ainsi, qu’une auto est quelqu’un et que l’on peut être, que je suis en deuil improbable d’une auto, qu’elle est ou qu’il y a quelqu’un flottant comme une brume à sa surface avec l’eau en larmes de la pluie coulant, l’épousant, l’automobile étant ce qui m’attend, attend son heure, dernière, et incertaine cependant, mon auto comme quelqu’un, quelqu’un dehors, m’attendra, cependant qu’une perturbation océanique balaiera le pays apportant des pluies localement marquées, que des records de douceur nocturne traversant le séjour seront battus et que le ruissellement fera son œuvre et la rue chanter en s’escamotant dans la bouche grillée du caniveau central et la nuit du neuf au dix, au seize, au vingt-sept même, la même nuit…
Au bout de la nuit du vingt-six au vingt-sept et la boucle bouclée avec le retour de la pluie et de la douceur par l’ouest, douceur hors de saison les perturbations se succédant dans un flux d’ouest rapide et très doux qui traverseront une grande partie du pays donneront des pluies soutenues, pluies appuyées sur les versants ouest du relief à la toute fin de la nuit au matin, tout petit matin du vingt-sept, dernières minutes de nuit dans l’imminence de la fin de laquelle une dizaine de lampadaires au-dessus du parking dessinent rideaux et lustres de précipitations il y a sous la pluie une chanson, ou sous l’auvent de la station-service, une seule chanson, la dernière des chansons, une chanson ne sera jamais entendue plus au bout du monde et de sa vie que là et par personne, elle n’ira pas plus loin que là, à se faire entendre échouera dans l’oreille de quelqu’un qui n’est pas vraiment là, qui n’est déjà plus là, ne l’a jamais été, un sourd ou, c’est idem, un automobiliste pressé de refaire le plein avant de reprendre la route, quitter ses abords où l’on apprend d’une voix brouillée, masculine, juvénile, enjouée et désolée, grésillant dans les hautes fréquences, en modulation de fréquence arrivée inconnue, quelconque, formatée, perdue, signal par la voie des ondes pour être diffusée à hauteur de haut-parleur ou de nid éventré sous l’auvent de la station automatique dans les souffles et dans les rafales, pluies et autres dégradations atmosphériques qui depuis toute la nuit et l’océan traverse le pays et la chemise, et parmi les paquets appuyés d’air qui passent pour être là chanson qui ne chantait à personne, ce que c’est qu’une chanson dans le vent, dans l’air, ce que c’est que finir en chanson.
Que ferai-je dans la nuit du dix au vingt-sept ? Qu’aurai-je accompli ? Que faisais-je ? Qu’allons-nous faire dans la nuit du dix-neuf au dix ? De toute la nuit ? Y aura-t-il une nuit du dix-neuf au dix-neuf ? Qu’aurais-je fait d’une nuit du dix-neuf au vingt-deux ? Qu’en adviendra-t-il ? Que s’y serait-il produit ? Qu’ai-je fait ?
Fil de la nuit
Dans la nuit du tant au tant.
Dans la nuit entre le tant et le tant.
Dans la nuit entre tant et tant. La nuit entre.
Dans la nuit de l’écriture. Dans la clarté de la nuit. (La clarté de l’impression nocturne. Limpidité de la nuit. La nuit a le silence d’un fleuve. La nuit est une encre.) Via la nuit.
Au fil de la nuit.
Dans le temps de la nuit. Dans le temps de l’écriture.
Entre-temps. Dans l’entretemps. Dans l’intervalle de la nuit.
Dans l’écart de la nuit. Dans le trou de la nuit. Puits de la nuit.
Dans la nuit au fond des jours. La nuit est le fond(s) des jours. La nuit est la terre des jours. Est le fond d’où émergent les jours. Résurgences des jours.
La nuit est la mise et le transport en commun des jours. Fondu au noir des jours.
(Attention de ne pas confondre le noir et la nuit. La nuit n’est jamais noire. Le noir est une dérive ; une déformation ; une distorsion ; une anomalie ; une erreur ; une aberration ; un écueil ; un fourvoiement de la nuit. Un mésusage. Le noir est de la nuit mal employée. Noir est le gâchis de la nuit. Il y a une clarté propre à la nuit.)
Dans la clairière de la nuit.
Dans l’arche de la nuit. L’ellipse de la nuit.
Dans l’accalmie de la nuit. Le temps d’une accalmie. Dans le temps suspendu.
(Y a-t-il une météo de la nuit ? Par exemple : la nuit tombe, le vent tombe. Le vent tombe dans la nuit. La pluie tombe.)
Dans la nuit du livre. Un livre est une nuit. Dans l’intervalle du livre.
Dans la nuit il y a un livre. (?)
Dans la même nuit. — Il y a des jours. Et il y a la nuit.
Dans la nuit qu’interrompent les jours. Dans la nuit où surnagent les jours. Les jours flottent, filent à la surface de la nuit.
Dans la nuit dont distraient les jours.
Qu’il y a une continuité de la nuit, et au contraire un discontinu des jours.
(Dans la nuit ininterrompue ?)
(Dans continuité il y a nuit. — Dans discontinuité il y a nuit.)
Qu’il y a un fleuve de la nuit. Avec le silence d’un fleuve la nuit coule.
D’une nuit à une autre. D’une nuit à l’autre — d’un moment. D’une nuit dans l’autre, emboîtement. Du versement (transvasement, translation), de l’averse de la nuit dans une autre.
Dans l’intervalle nocturne. La trêve. Dans la suspension nocturne.
Suspension de la voûte nocturne.
(En plein cintre ?)
Sous l’arche de la nuit. Sous le couvert de la nuit. À la faveur de la nuit.
Passage en fondu d’un jour dans l’autre. La technique du fondu au noir s’assimile à la nuit — ou à un battement de paupière : nuit instantanée, nuit flash.
(Introduire, insérer de la nuit. Vrac de la nuit.)
Le versement d’un jour dans l’autre via la nuit (sas de la nuit), l’évanouissement (syncope) de la nuit.
Le fondu des jours dans la nuit. Le retour des jours à la nuit. (Une décantation. Une clarification de la nuit — qui est un fluide.)
Les jours se succèdent. La nuit se perpétue. Perpétuité de la nuit.
Permanence de la nuit. Une permanence de nuit.
« ne pas confondre le noir et la nuit »
« la nuit est une dérive »
une dérive dit ce flux qu’on suit qu’on laisse filer qu’on reprend
des percées poétiques « chanson qui ne chantait à personne »
les propositions 5 et 6,
prochaines dérives ?
Merci (une fois encore) Nolwenn. Les 5 et 6 ? Les portes qu’ouvrent les propositions de notre coach me sont aussi des trappes, c’est au choix : je plonge ou je sombre